Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ateliers d'étude du Shôbôgenzô avec Yoko Orimo
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 145 137
Ateliers d'étude du Shôbôgenzô avec Yoko Orimo
Archives
21 avril 2013

Structuration des monastères zen

 

Termes concernant moines et monastères

(surtout dans le zen Sôtô)

 

Ce message est ici en fichier docx : structure_monast_re_zen  ;

et en fichier pdf : structure_monast_re_zen  .

 

Présentation du message :

Vous trouvez ici essentiellement des extraits des deux séances sur le texte Hatsu.u (Le bol à aumônes) et des deux séances sur le texte Shukke (Quitter la demeure pour se faire moine) du Shôbôgenzô,. Vous avez deux autres messages : " Transmission dans le zen ; être moine zen ?" et "Les préceptes des moines et des laïcs dans le zen". Ce sont des extraits concernant la terminologie, mais des réflexions et débats ont eu lieu autour de ces termes : voir les autres messages.

Plan : I. Moines et laïcs, sangha. II. Formation des moines et grades. III. Quelques termes (monastère, salles, enseignements…). IV La structuration des monastères zen.

                                                                      Christiane Marmèche

 

I. Moines et laïcs ; sangha

 

1) Termes sino-japonais désignant les moines et les laïcs bouddhistes :

Les moines :
僧(伽) [sô, sangha],
出家 [shukke, skr. pravrajita, pâli pravrajyâ],
比丘 [biku, skr. bhikkhu, bhikshu], 比丘尼 [bikuni, skr. bhikkhuni, pâli bhikshunî],
沙彌 [shami, skr. sâmanera, pâli çrâmanera], 沙門 [shamon, skr. samana, pâli çramana],
雲水 [unsui],

Les laïcs
在家 [zaike, gahattha, gihin, grhastha-âçraya],
優婆塞 [ubasoku, upâsaka], 優婆夷 [ubai, upâsikâ].

A. Les moines :

– Le mot moine en japonais peut se dire biku 比丘,transcription phonétiquedu mot sanskrit bhikshu (bhikkhu en pâli).

– Le mot moine est utilisé aussi pour traduire le mot sino-japonais , mais ce mot est une abréviation du terme plus long sanga 伽 qui est une transcription phonétique du terme sanskrit sangha qui veut dire la communauté. Souvent on prend seulement le premier kanji. Donc quand on prononce en japonais ou en chinois, ce mot désigne à la fois le moine individuel et la communauté tout entière. Autrement dit, le moine, tel qu'on l'entend dans la langue sino-japonaise, est un homme qui appartient à la sangha (à la communauté).

– Les « nuages » [un 雲] et l’« eau » [sui 水] forment le terme unsui 雲水, les moines pèlerins qui se rassemblent dans un monastère, munis de la robe de l’Éveillé et du bol à aumônes.

沙門 [shamon] le(s) « moine(s) », est la transcription phonétique des termes originaux samana en pali et çramana en sanscrit

Le terme sino-japonais 出家 [shukke] (skr. pravrajita, pâli pravrajyâ), est le titre d'un des fascicules du Shôbôgenzô.

Le premier caractère shutsuest un idéogramme qui veut dire « sortir, franchir le seuil, quitter » ça représente un pied qui franchit le seuil, d'où le sens étymologique de ce caractère.

Le deuxième caractère keest un idéogramme composé qui veut dire « la maison, la demeure, la famille ». En haut la clé représente le toit, on l'a déjà vu, et en bas si on le regarde en le renversant horizontalement c'est un cochon car autrefois dans les cuisines chinoises la viande principale c'était le cochon, d'où pour les Chinois la maison c'est "le toit et le cochon".  Ce terme keest quasi synonyme du mot 沙門 [shamon] le(s) « moine(s) ».

La prononciation kun de  c'est ie.

J'ai traduit Shukke par « Quitter la demeure - sous-entendu, comme terme bouddhique c'est – pour se faire moine ». En revanche beaucoup d'orientalistes éminents comme Catherine Despeux ou Jean-Noël Robert préfèrent traduire ce second caractère [ie/ke] par « la famille » d'où : « Quitter la famille pour se faire moine » mais cela donne un sens beaucoup plus socioculturel à ce second caractère.[1]

B. Zaike在家les laïcs

Par ailleurs, le terme shukke 出家 forme un couple antonymique avec le terme zaike 在家 (p. gahattha, gihin ; skr. grhastha-âçraya). Celui-ci, habituellement traduit par le(s) « laïc(s) », veut dire littéralement « demeurer » [zai 在] dans « la maison, la famille » [ke 家].

Le mot ubasoku 優婆塞 est une transcription phonétique du terme original en sanskrit upâsaka : le(s) « laïc(s) », et le féminin du même nom est ubai 優婆夷 (skr. upâsika).

 

II Formation des moines et grades obtenus dans le zen[2].

Les moines bouddhistes au Japon (pas seulement l'école Sôtô), surtout depuis la réforme de Meiji (1868), par décret gouvernemental, sont autorisés à se marier, à posséder des biens personnels et à manger de la viande. C'est à partir de ce moment-là qu'être moine devient un métier au Japon. En particulier le fils aîné succède en général à son père au temple, fait des études jusqu'en terminale (ou en troisième) et à ce moment-là il est envoyé par la volonté de son père dans un temple homologué. Et il y a un système très strict. Si on a fait des études jusqu'en terminale, il faut rester pendant un an au temple principal et si on a une licence (on a fait de l'enseignement supérieur) c'est seulement six mois, donc ça dépend de la carrière intellectuelle. Et à ce moment-là le fils d'un père qui a un temple obtient le titre de nitô-kyôshi 二等教師, qui veut dire "l'enseignant de deuxième rang" : kyô 教 veut enseigner, shi 師 c'est maître et kyôshi 教師est un titre qui existe aussi en dehors du bouddhisme.

 Actuellement beaucoup de moines de l'Association Zen Internationale comme Gérard Pilet ont obtenu le titre de kokusai-fukyôshi 国際布教師, littéralement "enseignant missionnaire international" qui est équivalent.

Les sept[3] grades de "kyôshi" de la nomenclature actuelle de l'école Sôtô japonaise

(1) 二等教師 [nitô-kyôshi] <l'enseignant de deuxième rang>
(2) 一等教師 [ittô-kyôshi] <l'enseignant de premier rang>
(3) 正教師 [sei-kyôshi] <l'enseignant certifié>
(4) 権大教師 [gon-daikyôshi] <le grand enseignant adjoint>
(5) 大教師 [dai-kyôshi] <le grand enseignant>
(6) 権大教正 [gon-daikyôsei] <le grand enseignant certifié adjoint>
(7) 大教正 [Dai-kyôsei] <le grand enseignant certifié>


III. Quelques termes : temple ; hall du dharma…

1) Le temple Ji[4]

Voici le sens étymologique du caractère  寺JI.

Ce qui fait le corps du caractère, est un idéogramme composé de deux éléments : en haut 土 cela représente initialement une main et en bas 寸 cela représente un pied. Donc le sens initial du corps du caractère 寺 comme il y a deux pieds et deux mains, c'est « travailler, avancer ».

Voilà, 寺 [ji/tera] c'est le temple ou le monastère. La lecture de ce caractère 寺 est ji en lecture on et tera en lecture kun [mais attention, quand on transcrit la prononciation japonaise avec le système Hepburn, il y a des "R", et les français prononcent "téra", mais en langue japonaise le "R" n'existe pas, donc tout en écrivant tera il vaut mieux prononcer "téla"].

Comme je vous l'ai expliqué c'est le corps du caractère qui donne à la fois le son et la signification[5]. Je vais vous expliquer pourquoi le corps du caractère qui au départ donc signifie « travailler avec les mains et les pieds » en est venu à signifier « le temple, le monastère ».

Tout d'abord ce même corps de caractère quand on lui ajoute le radical homme 人, se prononce aussi ji et alors ce caractère 侍 veut dire « accueillir, servir ».

Or à l'époque de la dynastie des Han en Chine, les Chinois  ont accueilli des moines bouddhistes qui venaient d'Inde dans une maison d'accueil gouvernemental. Et l'une des maisons représentatives de cet accueil que les Chinois ont fait pour les moines indiens s'appelait Kôroji avec ce sens d'accueillir, de servir les moines. C'est pourquoi l'étymologie du temple c'est la maison d'accueil avec le son ji.

P F : C'est devenu un temple parce que c'était bourré de moines mais ce n'était pas un temple à l'origine ?

Y O : Voilà. Et je crois que ça correspond aussi à l'histoire en Occident parce que l'église accueillait au moment de la crise à l'époque médiévale…

► C'était un lieu de refuge.

Y O : Voilà, et ça a fonctionné aussi au Japon pendant la période médiévale : le temple est parfois un refuge.

► C'est ce qu'on appelait l'asile.

P F : Et normalement on trouve ce caractère 寺 [ji/tera] sur le fronton du Dôjô 道場. Ici c'est le « Parisan  bukkoku zenji » (Dôjô zen de Paris), donc ce caractère doit se trouver quelque part sur la façade.

Dôjô 道場 : Dô 道 signifie la Voie et Jô 場 le lieu.

Les deux temples principaux du zen Sôtô.

L'école Sôtô japonaise a deux patriarches : Dôgen 道元 (1200-1253) et Keizan Jōkin 瑩山紹瑾 (1268-1325)[6]. Au niveau conceptuel Dôgen c'est immense, mais au niveau pratique c'est plutôt la lignée de Keizan Jōkin, progressiste, qui a introduit toutes les traditions ancestrales même très paysannes, populaires, pour vulgariser le zen. Et la lignée Keizan Jōkin a eu beaucoup de succès. Actuellement dans l'école Sôtô japonaise, plus de 90 % des temples appartiennent à cette lignée de Keizan Jōkin, et à peine 10 % à la lignée de Dôgen. D'où deux temples principaux :

 – Le temple Eiheiji 永平寺fut fondé en 1244 par le maitre Dôgen et dirige aujourd'hui plus de 1.400 temples répartis dans tout le Japon.

– Le temple Sôjiji 総持寺 fut fondé en 1321 par Keizan Jōkin. Il est maintenant situé à Yokohama.

2) Le monastère ou la forêt : sorin叢林.

La plupart des traducteurs traduisent sorin 叢林 (la forêt) par "monastère" car la forêt est vraiment l'équivalent du monastère selon l'acception commune surtout chez maître Dôgen.

3) La retraite de trois mois : ango 安居

Ango 安居 : an 安 veut dire la quiétude, la paix ; go 居 c'est demeurer. Donc ango c'est demeurer dans la paix.

4) Quelques lieux dans le monastère :

– Le Hattô 堂 est le hall du dharma dans un monastère. C'est le lieu où le maître enseigne, il sert pour les cérémonies et les offices[7].

Hattô 法堂  est composé de 法 qui désigne le dharma[8], et de 堂 qui veut dire la salle, mais les sons des deux caractères sont modifiés.

– À l'intérieur du monastère zen il y a la résidence personnelle de l'Abbé. Éventuellement c'est simplement une petite chambre mais par exemple autrefois maître Nyojô avait un grand appartement où il recevait l'empereur. Cette résidence s'appelle Hôjô 方丈 : 方 veut dire carré et 丈 est une unité de mesure équivalente à 3m 30. Peut-être qu'autrefois l'endroit où l'abbé demeurait, était un petit carré. Ce terme peut désigner également l'Abbé par emploi métonymique.

– La salle de l’Éveillé[9][佛壇 ou 仏壇 butsuden], littéralement traduit : le « palais de l’Éveillé », désigne la partie centrale du temple où est placée la statue de l’Éveillé.

– La salle des moines (ou la maison des moines) : sô dô utilisée comme salle de méditation[10] et de repos[11].

En France on est assis sur des tatamis (ou des moquettes) mais dans les monastères zen au Japon, dans la salle de méditation, il y a plusieurs estrades et sur ces estrades sont placés les zafu 座蒲[12]. Chaque zafu a un propriétaire, donc chaque moine a telle ou telle place : cette place-là s'appelle tan 単. Donc tan c'est la place sur l'estrade. Donc le mot tan 単 est très important pour les pratiquants zen : chacun a son tan, chacun a sa place.

estrade rinzai

  Sur les reproductions tirées de deux livres vous avez deux exemples de disposition : au-dessus un dessin humoristique du  rinzai[13] et à droite disposition sôtô[14] :

 

estrades

C'est pourquoi quand on commence ango 安居 qui dure trois mois on dit kaitan : kai c'est ouvrir et tan c'est l'estrade, donc c'est « l'ouverture de l'estrade » autrement dit le commencement de ango. Et à la fin des trois mois de retraite c'est heitan : « fermeture de l'estrade ».

5) Les divers enseignements.

On distingue les enseignements officiels jôdô 上堂 et l'instruction privée, informelle shôsan :

上veut dire monter et 堂 c'est la salle, donc littéralement jôdô veut dire « monter dans la salle » sous-entendu la salle de prédication, la salle de l'Éveillé pour que l'abbé prêche ;

shô 小 veut dire petite et san c'est l'étude, donc shôsan c'est « la petite étude », la petite prédication. Plus précisément, quand l'abbé donne une instruction privée, informelle, officieuse, ça s'appelle shôsan. Souvent l'abbé donne shôsan dans sa résidence personnelle qui s'appelle hôjô方丈.

Donc le contenu de la prédication est sensiblement différent : quand il s'agit de jôdô, il présente, il commente les kôan (qui sont chinois dans la majorité des cas) et ça s'inscrit dans la tradition directe du Ch'an chinois, tandis que quand il s'agit de shôsan le maître peut aborder des choses de la vie quotidienne, d'une manière beaucoup plus libre et informelle

6) Kafû (le vent de la maison) est synonyme de maître.

De manière générale quand vous voyez plusieurs caractères sino-japonais juxtaposés, le caractère le plus important est celui qui vient à la fin. Ici dans kafû (le vent de la maison) c'est 風 fû qui est important :

–  風 est un idéogramme qui représente un grand oiseau parce que traditionnellement les chinois pensaient que c'est un grand oiseau qui est le maître du vent. Donc c'est un grand oiseau qui représente le vent.

ka désigne "la maison", mais le plus souvent dans le bouddhisme il désigne "l'école". Chacun sans doute appartient à une école sans renier pour autant la totalité de la Voie, et donc kafû désigne la doctrine, l'enseignement bouddhique, mais c'est la doctrine de chaque école. Et vous trouvez ka dans des mots qui sont devenus presque des mots français comme jûdôka, aikidôka, là ce sont les pratiquants. Ka c'est la maison, l'école et aussi ce qui fait autorité. Vous pouvez, à la limite, le considérer comme synonyme de maître.

 

IV La structuration des monastères zen (Sôtô surtout)

Il y a beaucoup de termes que j'aimerais vous communiquer, mais comme le temps est limité, ça va être un peu sélectif. Au moins j'aimerais que vous connaissiez un petit peu le sens étymologique des termes que vous utilisez presque tous les jours dans le zen sôtô.

Pour la prononciation j'ai déjà dit que dans le système hepburn quand on écrit rôshi, on ne prononce pas comme en français, car en réalité dans la langue japonaise le "r" n'existe pas : il se prononce comme un "l". Donc on prononce "lôshi".

1) Rôshi 老師 : 

老 veut dire "vieux" et shi 師 c'est maître. Donc le rôshi c'est le vieux maître.

► Est-ce que c'est une histoire d'âge ou une histoire d'ancienneté ?

Y O : C'est plutôt l'ancienneté : on peut être jeune et être rôshi. Le rôshi est censé être vieux dans son enseignement.

2) Kyōshi :

Vous avez déjà entendu ce mot. Kyô 教 veut enseigner, donc kyôshi c'est l'enseignant[15]. Et pour les Japonais c'est un terme plutôt administratif, alors que rôshi c'est un terme proprement religieux, on ne l'utilise que dans le bouddhisme ; tandis que kyôshi c'est pour tout le monde.

3) Sensei 先生,[16]

Pour les Japonais, sensei est un mot qui a une sonorité assez enfantine. En effet c'est un terme utilisé de façon générale, mais surtout par les écoliers appellent la maîtresse : «Sensei ». Quand les Occidentaux prononcent ce mot, par exemple à propos de Deshimaru, ça fait sourire les Japonais.

Le sens propre de ce mot : sen 先 c'est "avant", et sei 生 c'est "naître". Donc : « celui qui est né avant ».

4) Zenji 禅師.

Dans ce mot deuxième kanji shi 師 devient sonore [ji = shi, maître]. C'est donc « le maître zen ». Actuellement dans l'école Sôtô japonaise il n'y a que deux moines qui peuvent avoir ce titre zenji[17], ce sont les responsables des monastères Eihei-ji et Sôji-ji. C'est très religieux et extrêmement respectueux : on se prosterne.

5) Oshô 和尚.

Le sens littéral du premier kanji o 和 (autrement prononcé wa) c'est l'harmonie ; et le deuxième kanji c'est « haut-de-gamme » donc littéralement oshô c'est « l'harmonie haut-de-gamme », et en pratique, c'est le maître de la vie. C'est-à-dire que tu reçois de lui le shihô[18] (嗣法) et c'est ce maître-là qui te guide jusqu'à la fin. Ce n'est donc pas n'importe quel maître parce que, quand on pratique le zen, on peut avoir plusieurs maîtres selon l'itinéraire. Et pour maître Dôgen oshô c'était maître Nyojô.

6) Des termes qui désignent l'abbé :

a) Jûji .

Ce mot désigne l'abbé, on l'a déjà vu. C'est un terme métaphorique en ce sens que le premier kanji 住 signifie "habiter" et que le deuxième kanji 持 signifie "maintenir". Donc littéralement l'abbé du temple est celui qui habite et maintient s. e. le monastère ou le temple.

b) Hôjô 方丈.

C'est un deuxième terme qui désigne également l'abbé. Les Japonais aiment bien mettre le suffixe de politesse "san" d'où hôjô-san. C'est un terme métonymique en ce sens que hôjô désigne initialement la résidence personnelle de l'abbé à l'intérieur du monastère.

Du point de vue étymologique : 方 veut dire carré et 丈 est une unité de mesure équivalente à 3m 30. Peut-être qu'autrefois l'endroit où l'abbé demeurait, était un petit carré. En tout cas la résidence personnelle de l'abbé s'appelle hôjô. Et de la même manière que vous dites : « L'Élysée a dit que » ou « Matignon a dit que » en sous-entendant que l'Élysée désigne le président et que Matignon désigne le premier ministre. Ici c'est le même système.

c) Bôzu 坊主 .

Ce terme désigne aussi l'abbé : bô désigne étymologiquement un petit temple en dépendance d'un grand temple ; et zu c'est le maître. Donc bôzu c'est le maître d'un petit temple (bonze en français). Et c'est un terme qui s'utilise au Japon. Mais je vous déconseille de l'utiliser parce que ça a pris un sens très péjoratif. En effet les "moines" (entre guillemets) au Japon ont un statut problématique : le bôzu c'est celui qui ramasse de l'argent.

Par contre ô bô san さん où on a mis le préfixe et le suffixe de politesse désigne les moines en général et c'est ce terme qu'utilisent les Japonais dans la majorité des cas puisque quand on dit bôzu c'est péjoratif.

7) Godô 後堂.

J'ai déjà expliqué le sens littéral de ce terme : c'est celui qui est à l'arrière (go 後) de la salle (dô 堂). Il s'agit de la salle de méditation, de la salle des moines. D'après les livres que j'ai lus, dans les monastères construits selon la norme zen, il y a l'entrée et la sortie et godô se situe du côté gauche de la sortie qui se trouve à l'arrière de la salle.

Généralement le godô est celui qui guide les pratiquants.

8) Tantô 単頭.

Dans la terminologie zen, le tantô est celui qui seconde le godô.

– Le premier caractère tan 単 dans un monastère au Japon désigne la place d'un moine sur l'estrade[19].

– Le second caractère 頭 c'est la tête (et en français un peu vieillot, le chef, c'est la tête).

Tantô c'est donc le chef de l'estrade. Est-ce que c'est celui qui répartit les places ou celui qui se met en tête de ligne ?

Y O : C'est plutôt le chef de l'ensemble de la salle, un peu l'adjoint de godô. C'est-à-dire que godô est vraiment le chef mais pour les détails, pour guider et diriger chaque pratiquant, c'est tantô qui s'en occupe.

9) Shusô 首座.

Shusô c'est celui qui prêche la place de l'abbé pendant l'ango.

Shu 首 c'est le cou littéralement, donc c'est la même chose que la tête ; so 座 c'est le siège, donc shuso c'est le siège du chef : shuso c'est celui qui s'assoit à la place de l'abbé comme chef pour prêcher.

► Donc hiérarchiquement il est au-dessus de godô ?

Y O : Ce sont deux fonctions différentes parce que godô c'est dans le quotidien, donc tout le temps, alors que shuso c'est pendant l'ango. Et shuso c'est plutôt à propos de la prédication alors que godô c'est plutôt au niveau de la direction.

Ce n'est pas simple. Et puis aussi on peut appeler shuso le premier disciple de l'assemblée. Mais shuso n'est pas tout le temps là, c'est vraiment pendant l'ango.

10) Inô 維那.

I 維 veut dire gouverner et 那 vient du terme sanscrit karmadâna, on a simplement pris le son "na" puis ina est devenu inô. Inô désigne le gouverneur, celui qui supervise le temple ou le monastère. Inô est un grand monsieur. Il s'occupe de l'ensemble de la sangha : c'est la direction, il est le directeur de la formation. Et je pense qu'inô est au-dessus de godô. En effet dans les monastères zen il y a six administrateurs[20] et inô est dedans.

Paul : j'ai lu Tenzo Kyôkun (典座教訓) de Dôgen (Les instructions au cuisinier zen) et il parle de l'ino. Mais dans les traductions que j'ai vues, inô était plutôt le chef des moines.

Y O : On peut dire ça aussi.

11) Tenzo 典座.

Vous connaissez tous, tenzo c'est le cuisinier. Mais le sens littéral de ce mot n'est pas du tout cuisinier : zo 座 comme dans shuso 首座, c'est le siège : et ten 典 veut dire littéralement en tant que substantif « la norme » est en tant que verbe « gouverner », donc c'est celui qui est placé au siège du gouverneur, donc parmi les six administrateurs (dont ino). C'est donc quelqu'un de très important. À la limite, c'est tenzo qui détermine la place du repas, les sièges… Mais il faut vérifier.

12) Enzu 園頭.

C'est peut-être un terme moins fréquent : en 園 désigne le jardin et en l'occurrence le jardin potager ; zo 頭 c'est le chef. Donc enzo c'est le chef du jardin potager.

14) "Défunt maître".

Paul : Il y a un terme qui m'a beaucoup intrigué : quand Dôgen parle de Nyojô il dit : « mon défunt maître ». Ça traduit quel terme japonais ?

Y O : Je pense que c'est senshi 先師 où le sen 先 est le même que dans sensei, donc c'est "le maître qui est né avant moi", donc en quelque sorte c'est "l'ancien maître".

Paul : En français "ancien maître" ça veut dire qu'il n'est plus son maître, donc ça ne correspond pas à "défunt maître".

F M : Oui. "Défunt" n'irait pas non plus. Peut-être "mon premier maître" ?

Y O : Non, parce que par exemple maître Dôgen a eu trois maîtres et maître Nyojô est le maître définitif.

Paul : Moi je dirais "mon maître vénéré".

Y O : C'est vraiment "le maître de ma vie".

Voilà pour les termes principaux il y en a beaucoup d'autres.

Récapitulatif de ce qui concerne le monastère[21].

Je vais vous donner un petit récapitulatif des termes concernant la vie monastique. Le monastère zen a une structure très bien ordonnée.

1) L'Abbé s'appelle le plus souvent Jûji . On a vu que jûji est celui qui habite et maintient le temple.

À l'intérieur du monastère zen il y a la résidence personnelle de l'abbé. Éventuellement c'est simplement une petite chambre mais par exemple autrefois maître Nyojô avait un grand appartement où il recevait l'empereur. Cette résidence s'appelle Hôjô 方丈 et elle peut désigner également l'Abbé par emploi métonymique.

Dôtô 堂頭 est un troisième terme pour désigner l'Abbé c'est. Dô 堂 désigne la salle, ça peut être la salle de l'Éveillé, la salle des moines, la salle de la prédication mais ça peut également désigner l'assemblée du monastère. 頭c'est le chef donc dôtô désigne le chef du monastère.

Ces trois termes sont synonymes, ils désignent tous l'Abbé, et il y a aussi d'autres termes.

2) Ensuite on distingue deux domaines : la pratique et l'administration.

A) Le domaine de la pratique (Shûgyô 修行)

Celui qui vient tout de suite après l'Abbé c'est  Godô 後堂. Je vous ai expliqué que c'est en arrière et que c'est la salle, donc ça peut désigner quelqu'un qui est à l'arrière de la salle. Mais on peut entendre ce mot comme "derrière" donc "adjoint" et gôdô est alors celui qui est derrière l'Abbé dans les monastères. Alors Gôdô est l'adjoint de l'Abbé.

Celui qui seconde Gôdô c'est Tantô 単頭tan 単 désigne d'estrade et 頭 c'est la tête. Donc Tantô c'est le chef d'estrade.

Et pendant la retraite de trois mois l'ango, le premier disciple de l'assemblée c'est Shuso 首座

B) Le domaine de l'administration (Un ei 運営)

Il y a 6 administrateurs (roku chiji 六知事), roku 六 c'est six, et chiji 知事 veut dire administrateurs :

– À la tête de ces 6 administrateurs il y a Tsûsu都寺 l'administrateur général : le kanji 寺 qui désigne le temple ou le monastère se prononce généralement ji mais ici il se prononce su ; et tsû 都 veut dire la totalité.

Kansu監寺est l'administrateur général adjoint, il s'appelle aussi Kan nin 監院.

– Fûsu 副寺 est l'économe : veut dire secondaire et su c'est le temple.

– Shitsusui直歳 est le responsable du travail et du samu (shitsu 直 et sui 歳).

 – Tenzo典座 c'est le cuisinier. Je vous ai expliqué que le sens étymologique et littéral  de tenzo n'est pas du tout cuisinier, mais puisque ten 典 veut dire norme et que zo 座 c'est le siège, c'est celui qui est assis pour superviser la norme. En fait c'est devenu synonyme de cuisinier, d'où son importance.

– Enfin Inô 維那 est le responsable de la salle des moines mais dans le domaine administratif.

 

1 structure monastère



[1] Voir le message précédent "Moines zen ; transmission" pour plus d'indications sur ce terme.

[2] Voir le message précédent "Moines zen ; transmission" pour plus d'indications

[3] Le tout premier était 三等教師 [santô-kyôshi] <l'enseignant de 3ème rang>, ce grade était autrefois attribué aux nonnes, il n'existe plus aujourd'hui.

[4] Extrait du compte-rendu sur le quatrain du Genjôkôan.

[5] cf le tag "kanji" du blog, le message donnant les extraits des séances d'octobre et novembre 2012, ou directement : http://www.shobogenzo.eu/archives/2012/10/23/25487819.html

[6] Voir le compte-rendu de la 2ème séance sur le texte Hatsu.u.

[7] Le Hattô du Eihei-ji peut accueillir un millier de personnes.

[8] Voir  des explications sur ce terme dans le message récapitulant les kanji étudiés en Octobre-novembre 2012 http://www.shobogenzo.eu/archives/2012/12/07/25763909.html

[9] La salle de l'éveillé et la maison des moines ont été vus dans le texte Udonge.

[10] Le zendô禅道 est littéralement la "salle du zen" et désigne aussi la salle de méditation.

[11] Le Sôdô d'Eiheiji est une réplique d'un temple Zazen chinois de la période Song. Il fait 25m de long sur 18m de large. Le Sôdô ne sert pas qu'à la pratique du Zazen, mais également aux repas et pour passer la nuit. Le Shôdô est l'un des San-Moku-Dôjô, les 3 lieux où il est interdit de parler, avec les toilettes et le bain. Il est aussi interdit d'y lire. (http://www.aikido-compiegne.fr/articles.php?lng=fr&pg=24 )

[12] Le zafu est un coussin rond, d'environ 35 cm de diamètre et 17 cm de haut. Les zafu contemporains sont en tissu fort, généralement noir, et comportent trois pièces cousues : deux fonds circulaires et un grand rectangle qui les relie en formant des plis. Ils sont le plus souvent remplis de kapok et on peut ajouter ou enlever du kapok suivant sa morphologie et sa souplesse.

[13] Ce dessins est extrait du livre de Giei SATÔ Journal d'un apprenti moine zen, éditions Philippe Picquier 2012, p.144. Avec François nous sommes allés au Ryutaku-ji, un monastère rinzai près de Mishima, la disposition du centre du zendô (la salle de méditation) était exactement celle qu'on voit sur le dessin, et il y avait derrière, de chaque côté, deux autres estrades où nous, visiteurs, nous faisions zazen. Les moines demeurant au monastère avaient toutes leurs affaires (entre autres la série de bols pour manger ou boire le thé) sur l’étagère derrière leur place, et, le soir ils étendaient leur futon pour dormir sur place. C'est très bien décrit et dessiné dans le livre de G Satô. (C M )

[14] Dessin extrait de Short zen stories : "The sound of the bell", trouvé sur la page : http://global.sotozen-net.or.jp/eng/library/stories/book8.html

[15] Voir la partie II (p.3) pour les différents grades de Kyôshi dans le zen Sôtô.

 [16] On l'utilise pour maître Deshimaru (1914-1982).

[17] L'école rinzai, elle, comporte actuellement quatorze ou quinze branches dont chacune est dirigée par un monastère ou un temple principal. Elles sont connues par le nom de leur temple. Elles n’incarnent pas des divergences idéologiques ou pratiques fondamentales, mais des lignées d’ordination.

[18] Dans le Bouddhisme Zen, la tradition veut qu'un enseignant transmette à un moment ou à un autre son "Dharma" à son disciple. Cette transmission est attestée par un document formel nommé Shihô. Au plan mythologique, cette transmission survient quand l'élève a atteint un niveau de réalisation identique à celui de son maître. En réalité, et ce depuis les temps les plus anciens, divers facteurs peuvent intervenir pour justifier cette transmission. La réalité est très compliquée, c'est très différent dans le Sôtô et le Rinzai. Pour plus d'informations voir le site http://www.zen.wikibis.com/shiho.php   Par ailleurs à la mort de maître Deshimaru il y a eu problème car il n'avait donné le shihô à personne : cf http://zen-nice.org/enseignements/mondo/certifier.htm.

[19] Voir fin du III.

[20] Voir le schéma donné par Y Orimo lors de la séance suivante et mis à la fin de ce fichier à la fin.

[21] Ce récapitulatif a été fait lors de la séance suivante du 8 avril.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité