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Ateliers d'étude du Shôbôgenzô avec Yoko Orimo
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Ateliers d'étude du Shôbôgenzô avec Yoko Orimo
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9 décembre 2014

Hotsu-mujôshin, Déploiement du cœur sans au-delà : guide de travail

 

Déploiement du cœur sans au-delà

[Hotsu-mujôshin 発無上心]

-Texte n°63 de l’Ancienne édition [Kyûsô旧草]-

(3 séances : 5 et 19 janvier, 2 février 2015)

Présentation dans Hotsu-mujôshin : présentation, versions disponibles

 

Question n°1 : L’instruction de Dôgen s’ouvre avec un mot de l'Éveillé-Shâkyamuni : « La montagne de la neige (L'Himalaya) est une métaphore du grand Nirvâna. » Puis, le maître commente : « Sachez-le, on exprime par métaphore ce qui est à la métaphore. Ce qui est à la métaphore veut dire le jadis intime [shinzô親曾]* allant tout droit à l'essentiel [tanteki端的]. » Comment entendez-vous cet énoncé ; quelle est la fonction de « métaphore » dans la pensée de Dôgen ?


Question n°2 : « Tous et chacun des cœurs sont comme du bois et de la pierre. » Aussitôt cité ce mot de Bodhidharma, Dôgen dit : « C’est avec ce cœur de bois et de pierre qu’on déploie le cœur de l’Eveil, pratique la Voie et atteste l’Eveil, car le cœur est du bois, il est de la pierre. (…) » Expliquez ce passage consacré à la réflexion sur le « cœur » [shin 心]. Qu’est-ce ce que le cœur tel qu’il est conçu dans la tradition Zen et en particulier dans la pensée de Dôgen ? Vous pouvez également discuter sur le problème de la traduction de ce mot sino-japonais « cœur » » [shin 心]. Initialement, celui-ci était une traduction du terme sanscrit citta et, encore aujourd’hui –quoique de moins en moins-, des spécialistes du bouddhisme sino-japonais traduisent le caractère shin心 par l’« esprit ». 

 
Question n°3 : La troisième et dernière partie s’ouvre avec cette célébrissime parole de l’Eveillé-Shâkyamuni : « Lorsqu’est apparue l’étoile du matin, j’ai réalisé la Voie avec  la grande terre et tous les êtres vivants. » Quel est l’enseignement fondamental qui figure à l’arrière-plan de cette parole ?


Question n°4 : Dans la lumière de la question précédente, interprétez ces mots de Dôgen : « Des centaines de milliards de déploiements du cœur est toujours un seul déploiement du cœur de l’Eveil qui se déploie. C’est à partir d’un seul déploiement du cœur de l’Eveil qui se déploie que des centaines de milliards de personnes déploient le cœur de l’Eveil. (…) »


Question n°5 : « S’il en est ainsi, il doit être aisé d'entrer dans la montagne et de méditer la Voie de l'Éveillé. Il est fort difficile de confectionner la pagode et la statue de l'Éveillé. (…) » Expliquez ce verset final, en soulignant  le contraste qui doit exister entre la vie religieuse et la vie laïque en matière de la « métaphore ». Quel rapport peut-on trouver entre la fonction de métaphore dans nos vies humaines et la grande ouverture d’esprit dont Dôgen témoigne dans ce texte à l’égard du monde laïc ? Avec cette question et en élargissant l’horizon, vous pouvez mieux comprendre la spécificité du « bouddhisme japonais ».

 

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Commentaires
F
Bonjour,<br /> <br /> J’ai trouvé que le texte et en particuliers son titre : « le déploiement du cœur de l’éveil » sont particulièrement beaux. Je trouve que Dogen dépasse largement la posture assise de la méditation pour nous emmener dans une vision beaucoup plus vaste de l’appréhension du monde intérieur et du monde extérieur. <br /> <br /> Cependant il semble que tout débute par la méditation, où par l’attention , la vigilance et le déploiement du cœur de l’éveil commence à apparaitre une certaine « clarté » qui nous permet de connaitre le calme du cœur de l’éveil mais aussi le cœur de pierre et le cœur de bois…cependant même la pierre et le bois sont le cœur de l’éveil, nous dit Dogen. S’agirait-il d’être capable de discerner le coeur de pierre et le cœur de bois, pour ne pas être aveuglé par eux, par notre façon de voir et de réagir ordinaires et mais d’y reconnaitre le cœur de l’éveil. Par l’attitude intérieur du « laisser tel quel », par le non confectionné et le non faire on construit la pagode intérieure, car il s’agirait de ne pas conceptualiser et peut être de ne pas saisir ni rejeter les expériences intérieures et extérieures. Cette attitude intérieure donnerait une stabilité qui permet de se dépouiller de ses vieilles habitudes et dans cette stabilité, peuvent se faire l’examen des sutra et de la réalité. Ce serait un peu comme le philosophe grec qui prépare son élève avant de l’envoyer étudier la sagesse à Athènes :<br /> <br /> Autrefois, un philosophe grec ordonna à un de ses disciples de donner, pendant trois ans, de l’argent à ceux qui l’insulteraient. A la fin de cette période d’épreuve, le maitre lui dit : « tu peux maintenant aller à Athènes apprendre la sagesse. » En entrant à Athènes, le disciple rencontra un sage qui, assis à la porte de la ville, insultait tous les passants. Il fit de même pour le disciple qui éclata aussitôt de rire. « pourquoi ris-tu quand je t’insulte ? » demanda le sage. « Parce que pendant trois ans j’ai payé ceux qui m’insultaient et toi, tu le fais pour rien. » « Entre dans la ville, elle t’appartient », répondit le sage.<br /> <br /> Les maitres tibétains disent aussi : l’eau si vous ne l’agitez pas deviendra claire, l’esprit si vous ne l’agitez pas retrouvera sa paix et sa véritable nature.<br /> <br /> <br /> <br /> La vision du déploiement de l’éveil de Dogen s’étend bien au-delà de l’être, elle l’englobe avec tous les êtres animés et inanimés, tout le monde extérieur jusqu’à l’espace tout entier qui l’entoure.<br /> <br /> Pour accéder à cette vision du monde il faudrait triturer l’herbe et les cailloux, et ne pas rester coincé dans l’espace intermédiaire. L’espace intermédiaire serait-il celui que nous créons par habitude, entre l’arbre et nous ? Il serait de l’ordre du « fabriqué ».<br /> <br /> Du point de vue du « je », il y a bien un espace où « je» se pose et observe l’arbre et le caillou, mais si l’on se place du côté de l’arbre ou du caillou, celui-ci a-t-il conscience de lui-même ou de l’observateur, et l’espace entre les deux existe-t-il encore? Quand on lance deux cailloux simultanément sur une surface d’eau plane, du point de vue des cailloux, il existe bien un espace ; du point de vue des ondes émises par le contact aussi, mais du point de vue des ondes qui s’entrelacent ce n’est déjà plus très clair. Par contre du point de vue de l’eau, cet espace n’existe pas. Pour déployer cette vision du cœur de l’éveil afin qu’elle englobe toute chose et nous avec, faudrait-il apprendre à ne plus construire cet espace entre nous même et, les autres ou la réalité telle qu’elle nous apparait ?<br /> <br /> Pour finir, les montagnes enneigées se font l’écho du déploiement du cœur de l’éveil :<br /> <br /> Tous les phénomènes ne sont que dimension ouverte, félicité et liberté absolue.<br /> <br /> L’esprit libre et heureux, je chante ce joyeux chant.<br /> <br /> A regarder son propre esprit, la source de toutes perceptions, il n’apparait que claire vacuité, rien de concret à prendre pour réel. <br /> <br /> Transparente présence totalement ouverte, sans dehors ni dedans et partout présente, sans limite ni direction.<br /> <br /> L’espace immense de la vue, l’état naturel de l’esprit, est semblable à l’espace sans milieu, sans pourtour ni référence.<br /> <br /> A l’aise et détendu, laissant chaque expérience telle qu’elle est, j’ai atteint l’immense plaine de l’espace absolu.<br /> <br /> Me fondant dans l’espace de la vacuité sans limite ni frontière, tout ce que je vois et entends, esprit, ciel tout devient un.<br /> <br /> Et jamais ne surgit l’idée que ces choses sont différentes et distinctes.<br /> <br /> Dans l’espace absolu de la conscience claire, toutes choses se fondent en une seule saveur ; relativement pourtant, chaque phénomène est clair et distinct : merveille !<br /> <br /> Shabkar<br /> <br /> Bon travail, Florence
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P
"C'est à partir du moment où on voit et entend le vent et la voix de ce coeur de bois et de ce coeur de pierre qu'on transcende pour la première fois les épigones hors de la Voie."<br /> <br /> Le mot "épigone" qui a fait débat lors de l'atelier sur Hotsu-mujôshin lundi dernier, dont la définition littéraire selon le Robert "Souvent péjoratif : successeur, imitateur" bien que peu usité, me semble correspondre au propos de Maître Dogen ; ne s'agit-il pas en effet de pointer du doigt de pâles imitateurs égarés ?<br /> <br /> Patrick M.
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