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Ateliers d'étude du Shôbôgenzô avec Yoko Orimo
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Ateliers d'étude du Shôbôgenzô avec Yoko Orimo
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25 octobre 2013

1er cours d'initiation au japonais : La langue japonaise.

Pour lire, télécharger, imprimer, c'est ici en fichier docx : 1er_cours_japonais_14_10_2013 ;

et en fichier pdf : 1er_cours_japonais_14_10_2013

 

La langue japonaise

Par Yoko Orimo

 

Présentation

Voici la transcription de la première partie du premier cours d'initiation à la langue japonaise qui a eu lieu à l'Institut d'études Bouddhiques le lundi 14 octobre 2013. À la suite de cela Y. Orimo nous a donné les tracés des cinq voyelles en hiragana, puis une présentation des kanji, et enfin nous a initiés à la conversation japonaise. Ceux qui voudraient retrouver les kanji peuvent aller voir le message Apprendre les kanji qui se trouve sur le blog www.shobogenzo.eu sur lequel se trouve aussi le présent message. En annexe de ce message vous avez un tableau concernant la conversation finale ainsi que des informations concernant le livre que Yoko nous a demandé d'acheter pour l'étude des kanji.

Nouveauté : le cours d'initiation au japonais peut être suivi en visio-conférence en direct ou en différé, Renseignements sur http://www.bouddhismes.net/Cours-en-visio-conference

 

Yoko Orimo : Bonsoir à toutes et à tous. J'ai bien précisé dans la brochure publiée par l'IEB que ces cours ont une visée avant tout culturelle. En effet il est assez difficile de maîtriser la langue, surtout cette langue japonaise qui est extrêmement différente de la langue française. Et croire qu'en 15 séances qu'on va maîtriser la langue pour parler et écrire serait un peu irréaliste !

Deux points en rapport avec l'enseignement zen.

Il y a deux points culturels que je voudrais souligner avant de commencer puisque l'étude de la langue est directement liée à l'un des points principaux de l'enseignement zen.

1) En effet l'enseignement zen consiste à nous faire voir ce qui nous fait voir et qui ne se voit pas en soi. La perception est quelque chose de principal dans l'étude du dharma : nous voyons les choses perçues mais nous ne voyons jamais notre œil qui est le contenant de ces choses perçues. Je ne vois pas mon œil mais je vous vois par mon œil. Et ce qui est capital dans l'enseignement zen c'est justement que pour voir correctement ce qui est perçu il faut avant tout connaître le percevant (celui qui perçoit). Par exemple si le monde me paraît complètement noir ce n'est pas le monde qui est noir, mais c'est mon œil qui, sous l'influence de mon esprit et de mon cœur, est noir.

Et ce rapport entre ce percevant (qui est l'œil) et la perception (qui est l'objet perçu) correspond exactement au rapport entre la langue et la pensée. Lorsque vous pensez vous n'êtes pas conscients de penser la langue française, et pourtant votre mode de pensée est complètement sous l'influence du système de la langue française. Donc le langage c'est le percevant et la pensée c'est le perçu.

Justement un des grands philosophes français phénoménologues, Merleau-Ponty dit ceci : « La merveille du langage c'est qu'il se fait oublier. Je suis des yeux les lignes sur le papier et à partir du moment où je suis pris par ce qu'elles signifient je ne les vois plus. »

Et en faisant l'étude d'une langue aussi éloignée de la vôtre (qui est le français) vraiment il y aura un dépaysement total. À quel point le système de pensée et même de perception est différent suivant la nature de la langue !

2) D'autre part dans les philosophies du monde de toutes les traditions confondues, l'un des points capitaux de la pensée c'est la connaissance de soi. Simplement dans le bouddhisme et surtout dans le zen, on souligne beaucoup, selon le principe de non-dualisme (je préfère parler de non-dualisme plutôt que de non-dualité) cette connaissance de soi va de pair avec la connaissance de l'autre : se connaître soi-même c'est connaître l'autre ; et connaître l'autre c'est se connaître soi-même.

Je vous donne mon propre témoignage. Je suis d'origine japonaise et j'ai vécu quand même plus longtemps en France qu'au Japon, mais c'est grâce à la France, à la culture française, que je me suis éveillée à ma propre culture qui est la culture japonaise. Si je n'étais pas venue en France, si je n'avais pas fait d'études de philosophie, de littérature, de culture françaises, je ne me serais jamais intéressée ni à Dôgen ni au zen ni au Shôbôgenzô.

Donc la rencontre avec l'autre n'est autre que la rencontre avec soi-même. Et de ce point de vue je m'oppose radicalement à une certaine forme de conservatisme ou d'intégrisme traditionnaliste où les gens veulent garder leur tradition en s'accrochant à leur tradition propre et en fermant la porte à l'autre. Ma position est à l'inverse : plus on connaît l'autre, plus on se mêle avec l'autre, et plus on se découvre soi-même.

Et il en va de même au niveau de la langue. Du moment que vous aurez une notion précise sur la langue japonaise, vous connaîtrez beaucoup mieux ce qu'est votre langue qui est la langue française.

Donc ça c'était deux points au niveau culturel.

L'étrangeté de la langue japonaise.

L'intérêt aussi pour vous d'apprendre la langue japonaise classique et moderne c'est qu'il y a une énorme distance qui sépare le français et le japonais. Or tant que vous restez dans la grande sphère des langues indo-européennes, le dépaysement n'est pas total, le voyage est beaucoup plus petit, et sans doute que vous ne pouvez pas vous rendre compte de cette différence.

Je témoigne : quand je parle japonais je deviens japonaise, et quand je parle français je deviens française. C'est à ce point que c'est différent.

Les trois piliers de la méthode d'apprentissage de Yoko Orimo.

Pour mener cette étude culturelle mais aussi pratique, je vois trois piliers de nos études :

1) L'apprentissage des signes et des caractères. Je vous expliquerai en détail comment fonctionne l'écriture japonaise. Et si on réfléchit ça va très loin même sur le plan métaphysique. Il y a trois sortes de systèmes graphiques dans l'écriture japonaise, voire même quatre si on compte les caractères romains qui sont maintenant massivement introduits dans la langue japonaise moderne.

2) La grammaire mais surtout la syntaxe. Et quand vous connaîtrez les points fondamentaux de la syntaxe de la langue japonaise moderne, je vous assure que vous connaîtrez la syntaxe de la langue japonaise classique car il n'y a presque pas de différence. Ce qui change entre la langue classique et la langue moderne c'est plutôt des mots, donc du vocabulaire, et aussi des conjugaisons de verbes, mais grosso modo la syntaxe est identique. Donc vous serez théoriquement capables de décrypter les écritures classiques comme celle du Shôbôgenzô.

3) L'expression orale. Vous venez pour apprendre le japonais et je réserverai une partie de chaque cours pour l'expression orale. Nous ferons une mise en situation où vous ferez de la conversation élémentaire avec votre voisin. Et au cas où vous rencontreriez des Japonais, et déjà à Paris il y en a pas mal, vous saurez leur adresser des paroles. Et si jamais vous avez l'occasion d'aller au Japon ce sera bien mieux : les Japonais sont extrêmement sensibles, et quand les étrangers, notamment les Européens, arrivent à prononcer quelques mots, ils sont ravis. C'est un peuple très cordial, très gentil.

Nous travaillerons avec la méthode que j'ai moi-même inventée et vous devriez arriver à exprimer pas mal de choses.

Voilà donc les trois piliers : c'est d'une grande envergure car notre réflexion ira du sommet de la métaphysique jusqu'à un côté un peu ludique !

L'origine du système graphique japonais.

Je vais maintenant faire l'introduction au système graphique de l'écriture japonaise. C'est assez compliqué. Et ce qui est vraiment magnifique c'est l'écrit beaucoup plus que l'oral. C'est d'ailleurs important pour ceux qui participent aux ateliers du Shôbôgenzô. En effet il y a un apport fort métaphysique dans le Shôbôgenzô, et quand vous aurez les notions de japonais, sans nécessairement maîtriser la langue japonaise au point de savoir parler ou écrire, ça deviendra pour vous une métaphysique incarnée. Sans cela c'est un peu de la métaphysique désincarnée.

Je voudrais d'abord vous expliquer l'origine du système graphique de l'écriture japonaise. Il y a donc trois systèmes graphiques au niveau de l'écrit, plus les caractères romains :
– Les kanji. Le mot kanji 漢字 signifie « les caractères du peuple Han » c'est-à-dire sous la dynastie des Han (206 av. JC. à 220 ap. JC) en Chine.
– Les hiragana 平仮名 et les katakana 片仮名.
– Les caractères romains : rômaji ローマ.

Au niveau de l'écriture c'est au Ve - VIe siècle de notre ère que les Japonais commencent à introduire massivement chez eux les caractères chinois qu'on appelle couramment kanji.

À l'époque médiévale les kanji s'appelait également mana, et c'est à partir de ces mana (caractères chinois) que les Japonais ont inventé leur propre alphabet de façon purement phonétique, d'où ce mot kana 仮 名:
– ka
veut dire « provisoire, emprunt » parce que ça vient des kanji, et na veut dire « nom » donc kana 仮名veut dire « nom provisoire »
– tandis que ma 真 est un idéogramme qui représente une cuillère remplie de matière, et il veut dire "réel, vrai" au sens de consistant.

Et déjà à l'époque médiévale c'est le cas de maître Dôgen : il écrivait le même mot tantôt en mana (en caractères chinois) et tantôt en kana (en alphabet japonais purement phonétique).

Déjà il y a l'idée très fondamentale du bouddhisme qui est toujours le non-dualisme du réel et du phénoménal, du principiel et du circonstanciel (du provisoire). Malheureusement au niveau de la traduction en français cette différenciation de l'écriture graphique disparaît complètement sauf dans le cas où on explique mais on ne peut pas toujours expliquer. Or ce n'est jamais anodin quand maître Dôgen ou d'autres écrivains écrivent différemment le même mot en japonais (en kana) ou en kanji, car il y a toujours en arrière-plan cette idée de non-dualisme, à savoir l'unité du phénoménal et du principiel, du réel et du provisoire.

 

I) Les kana.

S'agissant des kanas il y en a de 2 sortes : hiragana 平仮名 et katakana仮名 :

  1. Hiragana 平仮名.

Hira veut dire souple. Les hiragana sont des alphabets syllabaires japonais qui étaient réservés dès l'époque médiévale aux femmes : le hiragana s'appelait onnade où onna désigne la femme et où de c'est la main, donc onnade c'est « la main féminine ».

Je ne sais si vous connaissez, Genji monogatari  源氏物語, le « Dit du Genji », c'est le premier roman-fleuve de la cour impériale du Japon qui fut écrit par une femme courtisane au Xe siècle, il est entièrement écrit en hiragana parce que l'écrivain était une femme.

Donc dans hiragana il y a une nuance très féminine, souple, douce. Le meilleur mot pour qualifier l'écriture hiragana c'est « soft » : c'est un système soft que les Japonais utilisent selon le contexte.

Par contraste les kanji appelés aussi mana, s'appellent encore otokode , où otoko signifie l'homme et donc otokode signifie « la main masculine », et c'est beaucoup plus costaud, c'est hard !

Et vraiment au niveau des sensations je découvre là quelque chose, parce que ça n'existe pas du tout dans les langues européennes, même en chinois, puisque pour les Chinois il n'y a que des kanji tandis que les Japonais utilisent plusieurs systèmes graphiques et chaque système graphique parle de lui-même. Petit à petit j'espère que vous gagnerez cette sensibilité : hiragana c'est soft et pour la femme !

  1. Katakana仮名.

À côté des hiragana il y a les katakana 仮名 : kata veut dire « partiel, imparfait ». Et les katakana étaient utilisés non pas pour l'écriture purement japonaise mais lorsque les Japonais lisaient l'écriture chinoise : pour convertir la syntaxe chinoise en syntaxe japonaise ils écrivaient avec des kanji et des katakana. C'est assez extraordinaire de voir la façon dont les Japonais ont inventé la méthode de lecture d'un texte chinois alors que la syntaxe et la prononciation sont complètement différentes en chinois et en japonais ! En dehors du français je ne connais pas d'autres langues que le chinois et le japonais, mais Jean-Noël Robert, un grand japonisant qui est maintenant au Collège de France, dit que ce genre de conversion de système graphique est unique au monde.

Vers la septième ou huitième leçon j'aborderai la leçon inaugurale qui a été prononcée par Monsieur Robert en 2012 concernant cette écriture de mana et de kana. Et moi-même je suis en train d'écrire une variation là-dessus, en m'appuyant sur sa conférence.

II) Les caractères romains : rômaji ローマ

Et surtout depuis la réforme de Meiji en 1868, les Japonais ont introduit massivement la culture et l'écriture européennes. Donc les caractères romains sont également devenus plus ou moins japonais.

III) Les kanji 漢字.

Depuis la réforme de Meiji le nombre de kanji que les Japonais utilisent est limité à 2000. En effet les chinois ont inventé 20 000 ou 30 000 kanji. Et tant qu'on utilisait tous ces kanji dans la presse ou dans les papiers officiels au Japon, on ne s'en sortait pas donc le gouvernement a limité l'emploi des kanji à 2000.

Cela veut dire que dès le moment où vous connaissez suffisamment les hiragana, les katakana et peut-être 200 kanji, vous avez visuellement quelque idée quand vous regardez la presse ou l'écriture moderne.

 

Aujourd'hui au Japon.

Maintenant quand on écrit le kanji c'est un peu le côté hard, masculin, officiel, donc on n'en emploie plus beaucoup, l'écriture est devenue plus soft, plus européanisée : on préfère utiliser les kana surtout les hiragana.

Il faut savoir également que depuis que l'influence occidentale a été introduite au Japon, les Japonais utilisent les katakana uniquement pour écrire des mots en provenance de l'Europe.

Par exemple, café カフェ ; pour le vin les Japonais ont préféré la prononciation anglaise wine : ワイン ; le thé c'est tea ティー ; le dessert デザート…

Et donc suivant le contexte et sa sensibilité esthétique, graphique, celui qui écrit choisit l'un ou l'autre des caractères graphiques. Par exemple pour le thé : si on préfère écrire 茶 (cha) c'est plus traditionnel, donc la dame un peu âgée écrit ainsi ; mais les jeunes, garçons ou filles, écrivent ティー. Donc chaque fois il y a une nuance.

Autre exemple avec le cerisier : le kanji c'est 桜 (sakura), et bien sûr on peut écrire sakura en katakana サクラ et là ça donne un côté un peu pragmatique, ou bien en hiragana さくら. On peut même l'écrire en caractères romains ce qui fait qu'au total on a quatre manières d'écrire le même mot. Mais c'est complètement différent au niveau visuel.

Vous voyez donc combien la culture japonaise est visuelle, perceptive. Il y a le sentiment dans l'écriture, c'est ce que je voudrais vous communiquer. Tout ceci c'est pour vous dire à quel point la culture japonaise est intéressante. Maintenant vraiment je vois la culture japonaise comme une culture étrangère et c'est extraordinaire !

C'est Roland Barthes qui disait : « La langue japonaise est une langue merveilleuse parce que tout en acceptant toute l'influence de l'extérieur, entre autres celle des Européens, elle ne se laisse jamais contaminer. » Et de fait, tous les mots en provenance de l'Europe sont écrits en katakana alors que tous les mots japonais sont écrits soit en hiragana soit en kanji ; donc les Japonais ne craignent pas la contamination !

Les deux atouts des français dans l'apprentissage du japonais.

Un dernier point pour vous encourager, et c'est tout à fait sincère, je pense que c'est facile pour les Français d'apprendre la langue japonaise et cela pour deux raisons :

– au niveau de la prononciation vous n'avez aucune difficulté. En effet dans la langue française vous avez toutes les voyelles qui se trouvent en japonais, il n'y en a que cinq (a, i, u, e, o) alors que dans le sens inverse c'est beaucoup plus difficile, il y a par exemple des demies voyelles qui sont assez difficiles à prononcer.

– par ailleurs la langue française est une langue atone (il n'y a pas d'accent) et la langue japonaise aussi. Donc lorsqu'un français est bien entraîné, qu'il maîtrise bien le japonais, s'il parle au téléphone, moi je ne distingue pas si c'est un Français ou un Japonais. Et là vous avez beaucoup d'avantages parce que ce n'est pas le cas pour les anglophones ou les germanophones. Par exemple la langue anglaise et une très belle langue, je l'aime beaucoup quand elle est bien parlée, mais il y a énormément d'accent. Donc même quand il s'agit de grands japonisants, s'ils ont pour langue maternelle l'anglais et qu'ils parlent japonais… ça s'entend ! Mais je n'ai rien contre l'accent, car l'accent est charmant aussi.

Il y a juste un seul point difficile pour les Français c'est le h, parce que dans la langue française il n'y a pas le son h. Par exemple Hiroshima, vous ne prononcez pas ce mot en général en faisant entendre le H !

La prochaine fois, entre autres, je vous expliquerai comment les Japonais convertissent l'écriture chinoise en écriture japonaise. C'est assez long et assez compliqué.

 

ANNEXE 1 : Première initiation à la conversation

inititation conversation

Remarques :

On prononce peu les voyelles à la fin : mash'té ; dess' ….

– Penser à prononcer les ô (il y a un )

– Dans le système Hepburn quand on transcrit le son japonais par r, comme r n'existe pas dans la langue japonaise le r n'existe pas, on prononce comme un l roulé.

Wa est une particule, il correspond un peu à la copule "être" mais ce n'est pas le même sens en fait. La langue japonaise fonctionne comme des logos : il y a un mot, un autre mot, et on met une ligature comme wa qui connecte ce qui est avant et ce qui est après.

 

ANNEXE 2 :

Le livre de référence indiqué par Yoko Orimo :"Les kanjis dans la tête", de Yves Maniette est disponible au prix public de 38,00 € (plus quelques centimes en librairie) :

– soit à la librairie "Fenêtre sur l'Asie", 49, rue Gay Lussac 75005 Paris. Tél.: 01 43 29 11 00. Du lundi au samedi de 11h à 19h. M. Scheuren Bernd fenetresurlasie@yahoo.fr. Il est préférable de vérifier qu'il y en a bien un exemplaire disponible (sinon M. Scheuren vous le commande).

– Soit en commande directe sur internet, vous trouverez toutes les indications sur la page personnelle de l'auteur : http://maniette.fr/.

Sur le site de l'auteur vous pouvez télécharger in fichier pdf où se trouvent les 101 premières pages plus diverses autres pages.

 

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