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Ateliers d'étude du Shôbôgenzô avec Yoko Orimo
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Ateliers d'étude du Shôbôgenzô avec Yoko Orimo
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6 septembre 2013

Traductions et interprétations comparées de shiryô, fushiryô, hishiryô dans Zazengi et Fukanzazengi

Pour lire, télécharger, imprimer, c'est ici en fichier docx : shiryo_fushiryo_hishiryo_Zazengi_trad_comparaison

et en fichier pdf  shiryo_fushiryo_hishiryo_Zazengi_trad_comparaison:

 

Traductions et interprétations comparées de

 

shiryô 思量, fushiryô 不思量, hishiryô 非思量

 

dans ZAZENGI et FUKANZAZENGI

 

Présentation :

Le message précédent du blog (Shiryô 思量, fushiryô 不思量 et hishiryô 非思量 Extraits de comptes rendus d'ateliers) contient des extraits de comptes rendus des ateliers animés par Yoko Orimo sur le Shôbôgenzô de maître Dôgen concernant les trois termes précédents. Ce message le complète en donnant d'autres traductions et interprétations que celles de Y. Orimo pour le paragraphe qui se trouve vers la fin du texte Zazengi.

Vous avez d'abord un tableau-résumé puis la liste des traductions. À la fin figurent des commentaires de maître Deshimaru, d'Éric Rommeluère, et des extraits d'un glossaire anglais. Au milieu j'ai remis une partie du précédent message où Y Orimo schématise le rapport des trois termes car son interprétation diffère de celle qui est exprimée dans les commentaires de maître Deshimaru qui suivent.

J'ai mis les versions du Zazengi et du Fukanzazengi. En effet les caractères sino-jamonais sont les mêmes dans Zazengi qui fait partie du Shôbôgenzô et dans Fukanzazengi qui n'en fait pas partie, la différence étant dans les caractères japonais qui interprètent (ceux du Zazengi sont dans le texte initial mais pas ceux du Fukanzazengi).

Christiane Marmèche

Zazengi

  兀兀          と 坐定  して  思量   箇  不思量底   なり。

Gotsugotsu to zajô shite shiryô ko fushiryô tei nari                                                    

不思量 底    如何   思量。   これ   非思量  なり。

Fushiryô tei nyoka shiryô. Kore  hishiryô nari

これすなはち坐禪の法なり。

« "En restant immobile, assis sur le sol, on pense  [shiryô] la non-pensée [fushiryô]. Comment peut-on penser la non-pensée ? C’est dans ce qui n’est pas de l’ordre de la pensée [hishiryô]." Voilà la méthode [hô 法] et l’art [jutsu 術] de la méditation assise.» (traduction Yoko Orimo).

 

Fukanzazengi interprété en japonais

兀兀坐定,思量箇不思量底

gotsu gotsu toshite zajô shite, kono fushiryô tei o shiryô seyo.

不思量底如何思量 非思量

Fushiryô tei ikan ga shiryô sen. Hi shiryô.

此乃坐禪之要術也。

Kore sunawachi zazen no yôjutsu nari.

 

Y. Orimo précise que shiryô 思量désigne la pensée de type analytique. Elle traduit fushiryô par "non-pensée". Dans un atelier elle l'a interprété comme "la pensée qui se pense elle-même", voir le message précédent.

 

TABLEAU RÉCAPITULATIF

Ce tableau essaie de résumer les traductions des 2 assertions (shiryô ko fushiryô tei nari et "Kore hishiryô nari"), la seconde répondant à la question : "Comment la première peut-elle se faire ?" Les traductions complètes et références se trouvent après le tableau (pour certaines traductions du tableau j'ai ajouté en italique les mots nécessaires à leur compréhension)

ZAZENGI

思量 箇 不思量 底 なりshiryô ko fushiryô tei nari

これ 非思量 なり

Kore  hishiryô  nari

Yoko Orimo

 

on pense la non-pensée

C'est dans ce qui n’est pas de l’ordre de la pensée ;

Jacques Brosse (en note)

(demeurez dans) la pensée non pensée

Le non-penser

Éric Rommeluère

on pense l'impensé

sans penser

Sotozen suisse

Penser sans penser.

Le non penser

Site Denshinji

(produisez) la pensée qui ne pense pas

Cela n'est plus du ressort de la pensée

Carl Bielefeldt (zen soto project)

think of not thinking

Nonthinking.

Site Antaji

Think of not-thinking.

Beyond-thinking.

site White Wind Zen Community

think of "not-thinking

"Before Thinking."

 

 

 

FUKANZAZENGI

思量 箇 不思量 底

kono fushiryô tei o shiryô seyo

非思量

Hishiryô.

Maître Deshimaru

(ici ajout de traductions de hishiryô)

Pensez à ne pas penser.

- non pensée (dans le livre Le Trésor du zen).

- au-delà de la pensée (sur le site zen-deshimaru)

- pensée au-delà de la pensée, pensée du tréfonds de la non-pensée, pensée sans penser (Absolue pensée)  (revue Question de)[1]

Dôjô zen de Nice

Pensez du tréfonds de la non-pensée.

C’est l’au-delà de la pensée.

Site Bouddhaline

Pensez à ne pas penser.

aller au-delà de la pensée

Zen Montpellier

Pensez l'état sans pensée.

(Comment penser l'état sans penser ?) Il est différent de la pensée.

 

 

 

Gudo NISHIJIMA

think the concrete state of not thinking.

(How is it possible for us to think the concrete state of not thinking?) It is just different from thinking

Site Antaji

Think of not thinking.

Letting thoughts go (Nonthinking).

Site Zenki

Think the unthinkable

Think beyond thinking and unthinking.

 

 

 

Pierre Nakimovitch (en note) [2]

Pense à cette non-pensée

Ce n'est pas de la pensée

Et voici une citation qui montre que "beyond-thinking" peut traduire hishiryô :

« In Shobogenzo Zazenshin, Dogen Zenji said, “In order to think (shiryô) of not-thinking (fu-shiryo), we use beyond-thinking (hi-shiryô)”. » (Shohaku Okumura).

 

Zazengi

 

« "En restant immobile, assis sur le sol, on pense  [shiryô] la non-pensée [fushiryô]. Comment peut-on penser la non-pensée ? C’est dans ce qui n’est pas de l’ordre de la pensée [hishiryô]." Voilà la méthode [hô 法] et l’art [jutsu 術] de la méditation assise.» (Yoko Orimo).

« Demeurez fermement en samâdhi et dans la pensée non-pensée.Comment penser le non-pensé ? C'est la non-pensée (note 1).Tel est l'art de zazen. »  (Jacques Brosse[3]).

« Fixe et immobile, étant établi dans l'assise, on pense l'impensé.Comment penser l'impensé ? Sans penser.C'est là l'art essentiel de la méditation assise. » (Éric Rommeluère)[4]

« Votre posture doit être aussi stable qu'une montagne. Penser sans penser.Comment ? En utilisant le non-penser. C’est cela la splendide pratique de zazen - l’assise. »  (Site Sotozen suisse)

« Dans cette immobilité, produisez la pensée « qui ne pense pas. » — Qu'est-ce que produire la pensée « qui ne pense pas » ? — « Cela n'est plus du ressort de la pensée ! » (hishiryô). Tel est le vrai secret du Recueillement assis (zazen). » (Site Denshinji[5] )

« Sitting fixedly, think of not thinking. How do you think of not thinking? Nonthinking. This is the art of zazen. »  (Carl Bielefeldt[6])

« Sit stably in samadhi. Think of not-thinking. How do you think of not-thinking? Beyond-thinking.This is the way of doing zazen in accord with the dharma. » (Sit Antaji)[7]

« Sitting in balance and stillness like a mountain, think of "not-thinking." How? Be "Before Thinking." This is the essence of zazen. » (site White Wind Zen Community) [8]


 

Fukanzazengi

 

兀兀坐定,思量箇不思量底。不思量底如何思量?非思量此乃坐禪之要術也。

gotsu gotsu toshite zajô shite, kono fushiryô tei o shiryô seyo. Fushiryô tei ikan ga shiryô sen. Hi shiryô. Kore sunawachi zazen no yôjutsu nari.

 

« …Immobilisez-vous dans une position assise stable. Pensez à ne pas penser. Comment pense-t-on à ne pas penser ? Non pensée. Cela en soi est l'art essentiel du zazen. » (Maître Deshimaru)[9]

« … immobilisez-vous dans une position assise stable. Pensez à ne pas penser. Comment pense-t-on à ne pas penser ? Au-delà de la pensée (hishiryo). Cela en soi est l'art essentiel du zazen. »  (site zen-deshimaru)[10] 

« …Immobilisez-vous dans une position assise stable. Pensez du tréfonds de la non-pensée. Comment pense-t-on du tréfonds de la non-pensée ? C’est l’au-delà de la pensée (hishiryo). Ceci en soi est l’art essentiel du zazen. »  (Site zen Nice)[11]

« … immobilisez-vous dans une position assise stable. Pensez à ne pas penser. Comment pense-t-on à ne pas penser C’est aller au-delà de la pensée, cela en soi est l’activité essentielle du zazen. » (Site Buddhaline)[12] 

« …restez assis sans bouger, comme une montagne, et pensez l'état sans pensée. Comment peut-on penser l'état sans pensée? Il est différent de la pensée.Tel est le résumé de la méthode de Zazen. » (Site du zen Montpellier)[13]

« Sit immovably in the mountain-still state, and think the concrete state of not thinking. How is it possible for us to think the concrete state of not thinking? It is just different from thinking. This is just the abreviated technique of Zazen. » (Gudo NISHIJIMA)[14]

«  (…rock your body …) into steady, immovable sitting. Think of not thinking. Not thinking: What kind of thinking is that? Letting thoughts go (Nonthinking).This is the essential art of zazen. » (Site Antaji)[15]

« sit cross-legged steadily. Think the unthinkable.How do you think the unthinkable? Think beyond thinking and unthinking.This is the important aspect of sitting. » (site Zenki) [16]

 

Quels rapports entre les 3 termes shiryô,fushiryô,hishiryô?

Extraits du message précédent

(voir aussi le 5ème extrait du message précédent où Y Orimo donne des illustrations)

Y O : Je vais vous proposer quelque chose d'un peu schématique, donc ce sera un peu forcé. Lorsque nous avions lu le premier quatrain de Genjôkôan nous avions dessiné un cercle. On va faire la même chose maintenant.

Dans quelle sphère se situe la pensée analytique (shiryô)?

► Dans le cérébral.

Y O : Oui mais les pratiquants connaissent bien ce qui se passe pendant le zazen : les pensées défilent.

► Oui, comme les nuages qui passent sans s'arrêter.

Y O : C'est ça. Et le maître dit : « Ça ne fait rien, c'est normal, laissez passer, c'est comme les nuages qui passent au sommet des montagnes : laissez passer les pensées qui défilent. » Donc ce premier moment (shiryô)) est dans la sphère du phénomène 色(shiki, skr. rûpa), moi je traduis ce mot shiki par les formes-couleurs.

Donc shiryô c'est le 1er moment dans la sphère du phénomène (je schématise de façon artificielle pour faciliter les choses). Dans la tête une pensée analytique apparaît et disparaît, une autre vient etc. et l'important est de ne pas s'y attacher, tous les maîtres zen enseignent ça. Et je sais que tous les pratiquants zen aiment beaucoup ce terme hi-shiryô.

P F : Nous on entend dans le dôjô ce terme traduit par « au-delà de la pensée » ce qui ressemble pas mal à la version anglaise. On nous dit qu'il s'agit de se placer dans l'état où finalement on est disponible, accessible à ce qui est au-delà de la pensée. Certains enseignants présentent ces trois termes comme des états successifs, mais je sais que ce n'est pas ta conception, Yoko, ni celle de Dôgen : « De temps en temps, les gars, vous êtes dans shiryô, vous pensez ; à d'autres moments vous êtes dans fu-shiryô, c'est-à-dire que vous ne pensez pas, c'est le grand blanc ; et à d'autres moments vous êtes dans hi-shiryô, c'est-à-dire que penser/ne pas penser, ou ne pas penser/penser, ce n'est plus le sujet. »

Y O : J'appellerai ça le dualisme, excusez-moi. En aucun cas ce n'est comme ça. (…)

Moi je donnerai une comparaison, d'autant plus qu'on a parmi nous François qui est peintre, mais comme toujours, la comparaison a ses limites. hi-shiryô c'est la toile (le champ ou bien l'étendue) et le peintre sait que hi-shiryô et shiryô ne font qu'un. Au fond c'est l'arrière-plan, une vaste étendue pour que la pensée défile.

P F : C'est le substrat sur lequel les phénomènes peuvent apparaître ou non.

(…)

Y O : Schématiquement on peut situer hi-shiryô dans le domaine de (la vacuité), c'est le 2ème moment. La mystique occidentale appelle aussi ce moment le moment abyssal, l'abîme. C'est absolument insaisissable, on n'en peut rien dire. C'est comme Nâgârjuna qui, dans le Madhyamika ne dit que : « ça n'est pas… Ça n'est pas… » On ne peut rien dire positivement.

Or shiryô est dans le domaine du phénomène, hi-shiryô dans le domaine de kû,mais la vacuité et les phénomènes ne font qu'un.

Zazenshin cercle

Si on fait le cercle il y a un 3ème moment, le retour à la surface où la pensée analytique ne fait qu'un avec ce qui n'est pas de l'ordre de la pensée, et selon mon analyse c'est cela que maître Dôgen appelle fu-shiryô.

P F : Notre fu-shiryô à nous, c'est le contraire de shiryô, alors que là, dans ton fu-shiryô  à toi, c'est une évolution après passage par hi-shiryô.

Y O : Voilà, l'unité de shiryô et hi-shiryô c'est ça qui s'appelle fu-shiryô.

► Pour shiryô on avait la sphère de shiki (les phénomènes), pour hi-shiryô  on avait la sphère de (la vacuité), et pour fu-shiryô ?

Y O : L'unité de shiki et , donc le non-dualisme. En effet ils ne doivent faire qu'un, c'est ça le point le plus important. Toujours il y a l'unité. On parle de trois moments (shiryô, hi-shiryô, fu-shiryô) mais c'est schématique puisqu'en réalité ces trois formes de réalité ne font qu'un. Il n'y a pas un moment donné shiryô ou hi-shiryô ou fu-shiryô, ça ne doit faire qu'un.

(…)

Beaucoup de maîtres zen, qu'ils soient européens ou japonais, commettent beaucoup d'erreurs quand ils essaient d'expliquer ce que sont ces trois termes comme s'il s'agissait de choses chronologiques : au début c'est shiryô, ensuite en zazen c'est hishiryô, et quand on est éveillé, quand c'est réussi c'est fushiryô. Non. Je dis que ces trois moments ne font qu'un.

► L'ordre ici c'est shiryô, hishiryô, fushiryô. Maître Deshimaru proposait un autre ordre à savoir shiryô, fushiryô, hishiryô[17]. Là je ne parle pas de sa compréhension du zen mais de sa formulation.

 

COMMENTAIRES de Maître Deshimaru.

1) Dans Le trésor du zen p.60-61 (éd Albin Michel), chapitre "Les sept principes du zen de Dôgen", chapitre qui suit la lecture du Fukanzazengi, on trouve ceci :

« Zazen signifie devenir intime avec soi-même. Pendant zazen, automatiquement, naturellement, inconsciemment, nous suivons l'ordre cosmique. Penser sans penser, hishiryô, au-delà de la pensée. Aller de pensée en pensée entraîne la névrose, de non-pensée en non-pensée la somnolence. Si l'on se concentre sur la posture, on oublie de penser et l'inconscient se manifeste. On va de pensée en non-pensée, puis de non-pensée en pensée. Courir ou s'échapper de quoi que ce soit n'est pas bon. L'état naturel, originel correspond à hishiryô.

Dans le monde du zazen, dans le monde de la vacuité, il n'y a plus ni yeux, ni nez, ni langue, ni oreille, ni toucher, ni conscience. Néanmoins tout existe inconsciemment, naturellement, mais il n'y a plus aucune pensée propre. Rien de conscient. Le satori vient et on ne peut le sentir. Alors plus aucun obstacle ne peut déranger. C'est hishiryô, le samadhi de la vacuité.

Cette conscience originelle est la pensée du cosmos en harmonie avec le mouvement de l'univers ; et la pensée du cosmos signifie l'intuition de la profonde sagesse spirituelle. Hishiryô n'est pas une condition spéciale de l'esprit, un état particulier, c'est simplement l'état naturel, la pensée originelle qui ne repousse rien et inclut toute chose.

Quand le cerveau est calme, dans une condition de profonde sérénité, ce microcosme humain est l'image parfaite et harmonieuse du macrocosme. Cette harmonie cesse d'apparaître dès le moment où notre conscience produit la moindre notion discriminatoire. Pendant zazen, en intériorisant notre conscience dans la posture, en la fondant dans le rythme calme de notre respiration, l'harmonie juste s'établit, produisant l'état de conscience hishiryô. »

 

2) Dans ce même livre p. 331 et 334 :

« Le prince Siddharta quitta son château et entra dans la montagne. […]

Que signifie entrer dans la montagne ? La montagne veut dire le tréfonds de fushiryô (la non-pensée) et y entrer : shiryô. La montagne et celui qui y entre deviennent unité.

Cela veut dire que shiryô, la pensée de celui qui entre dans la montagne, et fushiryô, la pensée de la montagne elle-même, devienne unité. Shiryô (la pensée) et fushiryô (la non-pensée) deviennent unité. Cette unité est appelée hishiryô.

Si nous continuons à penser (la conscience shiryô), à la fin nous atteindrons le tréfonds de fushiryô (la non-pensée). Cela s'appelle le point zéro, . À partir de ce point zéro, kû, dans la conscience, d'autres pensées apparaissent. C'est shiryô (shiki) ou un nouveau phénomène. C'est semblable à kû zoku ze shiki dans le soutra du Hannyah Shingyô. Puis, si nous continuons à penser et à penser encore à ce nouveau phénomène, nous arrivons au tréfonds de fushiryô (la non-pensée), , zéro. Cela s'appelle shiki zoku ze kû.

Hishiryô  signifie l'alternance de la conscience, de la pensée (shiryô) et de la non pensée (fushiryô) : ce processus de conscience, de shiryô au tréfonds de fushiryô et de fushiryô à shiryô, est appelé hishiryô. »

 

3) Dans une conférence à Zinal[18] maître Deshimaru cite le dialogue source :

« Zazen n’est ni une pensée, ni une anti-pensée, il est au-delà de la pensée, pensée pure, sans self-conscience, en harmonie avec la conscience de l’univers. Dogen cite cette histoire de Maître Yakusan : « Un jour, tandis qu’il était en zazen, un jeune moine lui demanda : “Que pensez-vous durant zazen ?” Il répondit : “Je pense sans penser, hishiryô.” Hishiryô :dimension de pensée sans conscience. Telle est l’essence du Zen, de zazen. » »

 

COMMENTAIRE d'Éric Rommeluère sur le dialogue source

 

Dans son livre Les bouddhas naissent dans le feu, Le Seuil 2007, Éric Rommeluère site le texte du Recueil de la Transmission de la lampe de l'ère Jingde où se trouve le dialogue qui est médité et commenté par maître Dôgen. Ceci se trouve chapitre 4 p.107 pour le dialogue initial, et p. 108-109 pour le reste.[19]

 

Une fois que le maître Yaoshan Weiyan étaient assis, un moine lui demanda : «  À quoi pensez-vous ainsi immobile ? » Le maître répondit : « Je pense l'impensé. » « Comment pense-t-on l'impensé ? » Le maître répondit : « Ce n'est pas penser. »

« Le dialogue articule trois termes : shiryô, « la pensée » (ou « penser », selon que l'on entend un substantif ou un verbe), fushiryôtei, « l'impensé », et hishiryô, « ce n'est pas penser ». Shiryô est formé en chinois de deux caractères, shi , « penser, réfléchir, se souvenir, désirer », et ryô , « mesurer, évaluer » : la pensée sous son double aspect de récollection et d'ordonnancement. Fushiryôtei, l'impensé : sous ce terme, le zen ne désigne pas une absence de pensée, plutôt ce qui n'est pas encore pensé, l'antériorité de toute pensée, son fond. Le maître répond : Hishiryô, « ce n'est pas penser ». Ce fonds n'est pas accessible par la pensée, car en pensant nous nous mouvons toujours dans le domaine de la pensée. Pourtant, le mouvement doit partir de la pensée, non pour penser une extériorité, mais pour aller à rebours et toucher ce fond d'impensé. Yaoshan le dit : « Je pense l'impensé. » Et pour s'en retourner, il convient de s'immobiliser, de pénétrer par soi-même jusqu'au tréfonds de cette immobilité. Penser l'impensé ne laisse nullement entendre la volonté de donner un sens à la méditation, de la faire entrer dans l'ordre de la pensée. De l'interpréter.

 

GLOSSAIRE ANGLAIS[20]

shiryô "thinking"

This term appears often in both Zen and other Buddhist literature, typically as almost synonymous with one sense of the more common nen ("thought"); it is used to translate such Skt terms as manyanâ, târkika, vikalpa, etc., and, especially in the Yogâcâra, is associated with the activity of the klishta-manas, or "defiled intellect". More generally, the term regularly connotes the mental discrimination of objects -- as in the common expression "discriminations of thinking" (shiryô funbetsu), perhaps best know from the Lotus Sutra passage, "This dharma [known to the Buddha] is not something that can be understood by the discriminations of thinking" (Miaofa lianhua jing, T.9,7a). The negative, hi shiryô, typically suggests a state beyond such discriminatory thinking -- as used, e.g., to describe the "unconditioned" (wu-wei), "inconceivable" (pu ssu-i) nature of the Buddha's cognition (Wenshushili suo shuo busiyi fo jingjie jing [*Acintya-buddha-vishaya-nirdesha, T.12:108a-b]). In Zen, hi shryô is particularly well known from its use in the early poem attributed the Third Patriarch, Sengcan, Xin xin ming: "In the state of nonthinking, consciousness and feeling are difficult to fathom". (Jingde chuandeng lu, T.51,457B17.) In Sôtô commentary, shiryô is often contrasted with fu shiryô (tei), "not thinking", from the famous koan "Yueshan's not thinking"; here, these terms are sometimes treated as two poles -- ordinary consciousness and an unconscious, or mentally vacant, state associated with (false) concentration exercises -- that are both transcended by the higher state of nonthinking. (See especially Shôbôgenzô zazen shin.)

hishiryô"Nonthinking"

fushiryô(tei) "not thinking"


[1] Shiryô, "la pensée", fushiryô, "la non-pensée", et « hishiryô  pensée au-delà de la pensée, pensée du tréfonds de la non-pensée, pensée sans penser (Absolue pensée) » (Maître Deshimaru, Revue Question De. N° 41. Mars 1981).

[2] C'est une note qui cite le  dialogue initial de Yaoshan et Yakusan, à savoir la note 40 p. 206 du livre  Dôgen et les paradoxes de la Bouddhéité, éd Droz 1999.

[3] J Brosse dans Polir la lune et labourer les nuages ed. Albin Michel p.89) avec la note : hishiryô par opposition à shiryô "penser" et à fushiryô "ne pas penser". Hishiryô désigne l'état de l'esprit en zazen où l'on ne développe ni ne rejette les pensées qui surgissent continuellement.

[4] Sur le site Un zen occidental".

[9] Dans Le Trésor du zen éd Albin Michel p.47.

[17] Voir dans les commentaires de maître Deshimaru qui suivent le 2).

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