Pensée, non-pensée, ce qui n'est pas de l'ordre de la pensée (shiryô fushiryô hishiryô) : extraits de C R
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Shiryô 思量, fushiryô 不思量 et hishiryô 非思量
Pensée, non-pensée, ce qui n'est pas de l'ordre de la pensée
Présentation :
Voici des extraits de cinq ateliers de lecture du Shôbôgenzô avec Yoko Orimo où les trois termes shiryô 思量, fushiryô 不思量, hishiryô 非思量 ont occupé une partie de la séance (sauf pour le 2ème extrait qui compare seulement les négations mu, fu, hi). Comme ce sont des extraits il peut être bon d'aller voir les comptes rendus d'où ils sont tirés.
Je ne mets pas la lecture du quatrain qui se trouve au début du Genjôkôan (voir le message qui contient la fin de la séance du 20/10/2012 et la première heure de la séance du 17/11/2012) mais ce qui y est dit permet de mieux comprendre le mouvement circulaire dont il est question ensuite.
Les tracés de kanji ne sont que sur les fichiers à télécharger.
Christiane Marmèche
Premier extrait : Dans Zazengi
Extrait de l'atelier du 20/10/2012 au DZP
« "En restant immobile, assis sur le sol, on pense [shiryô 思量] la non-pensée [fushiryô 不思]. Comment peut-on penser la non-pensée ? C’est dans ce qui n’est pas de l’ordre de la pensée [hishiryô 非思量]." Voilà la méthode [hô 法] et l’art [jutsu 術] de la méditation assise.»[1]
On a les mots shiryô 思量 (pensée), fushiryô 不思量 (non-pensée), hishiryô 非思量 (ce qui n'est pas de l'ordre de la pensée). C'est un lieu de méditation important.
a) Les deux caractères shi 思et ryô 量.
– Shi 思veut dire penser, mais vous allez voir la différence avec le verbe français penser. C'est un idéogramme composé :
- la partie du haut est un idéogramme qui représente une petite tête de bébé (c'est petit)
- la partie du bas est un idéogramme qui représente le cœur en tant qu'organe
Donc les Chinois pensaient déjà avec la tête et avec le cœur. On traduit shi par le verbe "penser" ou par le substantif "la pensée" mais le sens précis de ce caractère est entre penser et croire parce qu'il y a le cœur.
► Est-ce que le shi qui est là a un rapport avec le shin qu'on traduit souvent par cœur-esprit ?
Y O : Oui, c'est la partie basse du shi 思.
Beaucoup de traducteurs européens traduisent cette partie qui représente le cœur en tant qu'organe, par le mot "esprit" à cause de l'étymologie sanskrite citta. Mais pour l'écriture sino-japonaise c'est vraiment le cœur, et moi je traduis par le cœur (mais c'est une autre affaire, ça va compliquer les choses si je vous explique).
– Ryô 量est un idéogramme également composé :
- la partie du haut est un idéogramme qui représente des céréales
- la partie du bas est un idéogramme qui représente une balance
Donc avec la balance on mesure des céréales, d'où le sens de mesurer.
b) Le mot shiryô.
Ainsi shiryô veut dire « penser, croire et mesurer » ou bien « on pense, on croit pour mesurer » parce qu'il y a la balance avec les céréales.
Souvent dans le texte du Shôbôgenzô on a ce caractère ryô (mesurer). Et dans la doctrine bouddhique, même dans le sens général du terme, shiryô a une légère nuance péjorative parce qu'on mesure ce qui n'est pas en soi mesurable. C'est pourquoi souvent je traduis par « la pensée analytique » parce qu'on mesure. On mesure ce qui n'est pas mesurable en soi : par exemple on mesure l'énergie alors que l'énergie en réalité c'est quelque chose d'insaisissable.
► Est-ce qu'aujourd'hui si on dit shiryô en japonais, ça a une connotation péjorative ?
Y O : Oui.
► Mais si c'est dans un contexte qui s'y prête, ça peut n'être pas nécessairement péjoratif ?
Y O : C'est vrai.
P F : Par exemple en philosophie est-ce que c'est valorisé ?
Y O : C'est-à-dire que ce n'est qu'une étape, donc ça a de la valeur mais en tant qu'étape.
c) Le mot fushiryô.
L'étymologie de fu 不 c'est un idéogramme qui représente un bouton de fleur (un bouton d'une fleur qui n'a pas encore éclos)
Fu c'est un adverbe de négation mais qui indique l'absence de quelque chose.
On a vu funi 不 二(non-deux), c'est l'absence de deux, c'est donc le non-dualisme.
Par ailleurs dans fuzai 不在le caractère 在 signifie "être là" donc fuzai signifie absence
De même pour funin 不 妊 : dans nin la clé qui est à gauche est le caractère de la femme stylisée et le côté droit (qui est le corps du caractère nin) donne la prononciation. Nin ça veut dire être enceinte, donc funin c'est l'absence de la conception, c'est la stérilité.
C'est pour bien distinguer que je donne ces précisions car il y a beaucoup de confusion au niveau de la compréhension de ces mots.
Donc fushiryô c'est l'absence de la pensée analytique, c'est le non-penser.
d) Le mot hishiryô.
Le caractère hi 非est un idéogramme qui représente deux ailes d'un oiseau qui s'écartent. Donc le sens étymologique de hi c'est « écarter, s'écarter ».
C'est pour cela qu'on ne peut pas traduire hishiryô par « au-delà de la pensée » puisque d'après l'étymologique on écarte la pensée (qui est la pensée analytique comme on a vu). C'est pour ça que je traduis par « ce qui n'est pas de l'ordre de la pensée ».
Deuxième extrait : Dans l'étude de Genjôkôan
Comparaison des trois caractères de négation : 無 MU, 不 FU, 非 HI
Extrait du message "Fin du Genjôkôan"
無(mu en lecture on) est un idéogramme composé, et le point de départ de cet idéogramme représente un homme caché derrière un paravent, le reste est aussi un homme qui danse avec des ornements à la main, mais ça c'est transformé et c'est devenu presqu'un symbole.
Exemple de la différence entre mujô et hijô
常 jô c'est donc la permanence, et pour nier on ajoute l'adverbe de négation 無 mu ce qui donne 無常 mujô l'impermanence.
Vous connaissez déjà deux autres adverbes de négation : 不 fu dont le sens étymologique c'est le bouton d'une fleur et puis 非 hi dans le sens étymologique de deux ailes qui s'écartent. Donc vous avez trois caractères de négation. Ce sont trois synonymes mais chaque mot a sa propriété, a un sens spécifique, il n'y a jamais de synonymes parfaits.
Donc il est important que vous saisissiez le sens de chaque caractère : bouton de fleur ; ailes écartées ; l'homme qui danse caché derrière un paravent.
Le terme FUJÔ n'existe pas mais MUJÔ et HIJÔ existent :
– 無常 MUJÔ c'est : il n'y a pas la permanence
– 非常 HIJÔ désigne « ce qui n'est pas de l'ordre de la permanence » et si vous avez l'occasion d'aller au Japon vous verrez que 非常口: hijô guchi désigne la sortie de secours (口 désigne la bouche mais aussi la porte) parce qu'ici hijô désigne quelque chose qui n'est pas de l'ordre de l'ordinaire, c'est de l'ordre de l'extraordinaire dans le sens négatif car c'est urgent : donc c'est la sortie d'urgence.
Le sens négatif est infiniment plus fort avec hi qu'avec mu ou fu. Avec hi on se situe à un niveau différent, on peut parler d'un saut qualitatif.
► On a vu la même différence fushiryô et hishiryô puisque hishiryô qui désigne « ce qui n'est pas de l'ordre de la pensée » alors que fushiryô veut dire qu'il n'y a pas de pensée.
Y O : C'est pour cela que quand il y a mu le non-dualisme est possible, on peut combiner avec l'opposé : jô et mujô ce sont deux qui ne font qu'un, permanence et impermanence en réalité ne doivent faire qu'un.
P F : Mujô se présente donc en dualité avec jô et on peut se dire que au-delà de la dualité jô et mujô sont réunies dans un même bateau alors que pour hijô on ne peut pas parler de dualité avec jô, ce n'est pas du même ordre.
► Fu aussi est-ce le même « il n'existe pas » que mu ? Tu as dit que 不 妊 [funin] ça désigne la femme stérile et que fu-nin veut dire littéralement "non-enceinte", donc si elle est stérile elle ne peut pas être enceinte.
Y O : Oui, mais c'est "fu", on peut espérer un miracle !
Le contraire de mu c'est u.
► Comment est-ce qu'on écrit « il y a » ?
Y O : Il y a c'est 有 u. Si vous connaissez un peu le Shôbôgenzô il y a le texte intitulé 佛性 Busshô (La nature de l'Éveillé), et dans ce texte il y a beaucoup de jeux de mots entre mu et u.
► Puisque u correspond à « il y a » qui veut dire en quelque sorte « c'est », est-ce que 有u correspondrait alors au verbe être ? Je pense à ça parce que dans le Shôbôgenzô il y a le texte intitulé 有時 Uji dont le titre est souvent traduit par "Être-temps".
Y O : Là je ne suis pas d'accord, c'est-à-dire que si on veut utiliser le verbe être, dans ce cas-là il faut prendre « être là » car ce n'est pas le "être" métaphysique. En allemand ça correspond à la différence entre sein et dasein (être et être-là). Traduire 有u par être, moi je dis que c'est un contresens, en revanche "être là" c'est bon.
Troisième extrait :
Première séance sur Zazenshin à l'I E B le 08/04/2013
La structuration de Zazenshin en trois parties.
Le texte lui-même se divise en trois parties en fonction des sources citées, c'est très clair :
1. La première partie est basée entièrement sur le kôan de Yakusan. C'est un moine chinois du VIIIe, IXe siècle qui vivait sous la grande dynastie des Tang. Vous voyez sur le schéma précédent qu'il était disciple de Sekitô (Shitou), lui-même disciple de Seigen, lui-même disciple de Daikan Enô le 6ème patriarche chinois (Huineng). Yakusan est le maître de Ungan, qui est lui-même le maître de Tôzan, qui est lui-même le maître de Sôsan. Or c'est à partir de Sôsan qu'on parle de l'école Sôtô. Donc Yakusan est à l'origine lointaine de la lignée Sôtô.
Et c'est dans le kôan de Yakusan qu'on trouve trois termes fondamentaux (shiryô, fushiryô, hishiryô) sur lesquels on a écrit des livres et des livres. Nous allons méditer longuement sur ces trois termes.
2. La deuxième partie est basée sur le dialogue de Nangaku et de Baso (Mazu). Et c'est dans ce dialogue très long que toute la réflexion de maître Dôgen se déroule.
– C'est là qu'on voit entre autres la métaphore du polissage de tuile : « Le zazen consiste à polir un morceau de tuile », qu'est-ce que ça veut dire ?
– On y voit aussi la métaphore du char tiré par le bœuf : quand le char n'avance pas, est-ce qu'il faut frapper le bœuf ou frapper le char ? Et le maître répond : il faut en même temps frapper et le bœuf et le char ! Qu'est-ce que ça veut dire ?
– Il y a aussi ce fameux aphorisme : être assis en éveillé (donc le zazen) c'est tuer l'Éveillé.
3. La troisième partie est la crème du texte : il y a zazenshin (la maxime de la méditation assise) du maître Wanshi (de la lignée Sôtô) et à la fin il y a zazenshin de maître Dôgen, donc il y a deux zazenshin à la fin. Et dans cette dernière partie le discours de maître Dôgen fait un grand retour au commencement avec les trois termes du début : shiryô, fushiryô, hishiryô.
Premier paragraphe de Zazenshin.
Lorsque maître Yakusan Kôdô méditait en posture assise, un moine demanda un jour : « Que pensez-vous en restant immobile, assis sur le sol ? » Le maître dit : « Je pense la non-pensée. » Le moine demanda : « Comment peut-on penser la non-pensée ? » Le maître dit : « Dans ce qui n’est pas de l’ordre de la pensée.»
Ici on a donc une citation que maître Dôgen a tirée du Recueil de la transmission de la lampe de l'ère Keitoku. Il s'agit du kôan de Yakusan.
Un petit mot sur la fin de ma traduction car dans mon livre j'avais mis « Par ce qui n’est pas de l’ordre de la pensée. » Dans le texte original japonais il n'y a pas de préposition. Je pense qu'il vaut mieux mettre "dans" à la place de "par" car "par" entraîne la notion de moyen, ce qui est embêtant. On peut mettre : « Dans ce qui n’est pas de l’ordre de la pensée » ou à la limite seulement « Ce qui n’est pas de l’ordre de la pensée ». Pour bien mettre en clarté le sens de ce kôan il est préférable de mettre la préposition "dans".
Nous allons d'abord reprendre les trois termes fondamentaux : shiryô que j'ai traduit par la « pensée », fu-shiryô que j'ai traduit par la « non-pensée », et hi-shiryô par « ce qui n’est pas de l’ordre de la pensée ». Quand on a étudié Zazengi je vous ai bien expliqué leur étymologie. Sans comprendre le sens littéral de ces trois termes vous ne pouvez pas entrer dans le discours de maître Dôgen : 思量 [shiryô], 非思量 [hishiryô ] et 不思量 [fushiryô].
1) S’agissant du mot shiryô 思量, il est composé de deux caractères :
shi 思(la pensée), en bas il y a le cœur 心, et en haut c'est la tête ; on a donc la tête et le cœur, donc quand on traduit ce caractère par "penser" il y a à la fois la tête et le cœur ;
et ryô 量est un idéogramme simple, qui désigne une balance nous avons donc une balance qui mesure le poids, et quand cet idéogramme apparaît seul on traduit par "la pesée" ou "la mesure" (ou bien "mesurer" ou "peser" en tant que verbe).
Et comme beaucoup de traducteurs, je traduis shiryô par "la pensée" comme substantif et par "penser" comme verbe, mais sous-entendu une pensée analytique en ce sens qu'il y a ryô, donc mesurer : cela désigne la pensée analytique et discriminante. D'où le sens plus ou moins péjoratif de ce terme dans le contexte zen.
2) Dans le terme fu-shiryô 不思量 le mot shiryô est précédé par le préfixe fu 不, c'est un idéogramme qui représente un bouton de fleur, d'où le sens initial de ce caractère qui est l'absence : on nie ici mais ce n'est pas nier la nature même de quelque chose, c'est juste en désigner l'absence.
3) Et dans hi-shiryô 非思量 on a le préfixe hi 非 qui est une négation mais d'un tout autre nature, c'est un idéogramme simple : deux ailes d'un oiseau écartent l'obstacle d'où un sens beaucoup plus fort que fu du point de vue de la négation : fu c'est l'absence tandis qu'avec hi on écarte, on élimine. Je traduis fu-shiryô par « la pensée qui ne pense pas » mais hi-shiryô je le traduis par « ce qui n'est pas de l'ordre de la pensée ».
L’essentiel du dialogue dans le kôan tient en effet à la subtile différence sémantique entre ces deux préfixes privatifs : fu et hi. Le premier indique l’absence de la chose niée tandis que le second indique la différence de niveau, la différence d’ordre.
Est-ce que vous avez d'autres traductions, Michel ?
►[2] « The monk asked, "How do you think of not thinking ?" The Master answered, "Nonthinking." » (traduction de Zazenshin sur le site Stanford.edu, par Carl Bielefeldt). Là on a fu-shiryô (not-thinking) et hi-shiryô (nonthinking).
Mais voici une citation qui montre que "beyond-thinking" peut traduire hishiryô : « In Shobogenzo Zazenshin, Dogen Zenji said, “In order to think (shiryô) of not-thinking (fu-shiryo), we use beyond-thinking (hi-shiryô)”. » (Shohaku Okumura).
► « La pensée qui ne pense pas » c'est la pensée au repos ?
Y O : On va voir, tout l'enjeu de ce kôan est là. Et il faut quatre séances pour comprendre ça, je crois !
Maintenant je vais vous proposer quelque chose d'un peu schématique, donc ce sera un peu forcé. Lorsque nous avions lu le premier quatrain de Genjôkôan nous avions dessiné un cercle. On va faire la même chose maintenant.
Dans quelle sphère se situe la pensée analytique (shiryô)?
► Dans le cérébral.
Y O : Oui mais les pratiquants connaissent bien ce qui se passe pendant le zazen : les pensées défilent.
► Oui, comme les nuages qui passent sans s'arrêter.
Y O : C'est ça. Et le maître dit : « Ça ne fait rien, c'est normal, laissez passer, c'est comme les nuages qui passent au sommet des montagnes : laissez passer les pensées qui défilent. » Donc ce premier moment (shiryô)) est dans la sphère du phénomène 色(shiki, skr. rûpa), moi je traduis ce mot shiki par les formes-couleurs.
Donc shiryô c'est le premier moment dans la sphère du phénomène (je schématise de façon artificielle pour faciliter les choses, [voir le dessin page suivante]). Dans la tête une pensée analytique apparaît et disparaît, une autre vient etc. et l'important est de ne pas s'y attacher, tous les maîtres zen enseignent ça. Et je sais que tous les pratiquants zen aiment beaucoup ce terme hi-shiryô.
P F : Nous on entend dans le dôjô ce terme traduit par « au-delà de la pensée » ce qui ressemble pas mal à la version anglaise. On nous dit qu'il s'agit de se placer dans l'état où finalement on est disponible, accessible à ce qui est au-delà de la pensée. Certains enseignants présentent ces trois termes comme des états successifs, mais je sais que ce n'est pas ta conception, Yoko, ni celle de Dôgen : « De temps en temps, les gars, vous êtes dans shiryô, vous pensez ; à d'autres moments vous êtes dans fu-shiryô, c'est-à-dire que vous ne pensez pas, c'est le grand blanc ; et à d'autres moments vous êtes dans hi-shiryô, c'est-à-dire que penser/ne pas penser, ou ne pas penser/penser, ce n'est plus le sujet. » Il y a certains enseignants qui nous emmènent vers ça.
Y O : J'appellerai ça le dualisme, excusez-moi. En aucun cas ce n'est comme ça.
P F : Ceci a déjà fait l'objet d'un échange entre nous. Du coup quand on réécoute nos maîtres, on se dit que peut-être c'était une compréhension un peu rapide de la façon qu'ils ont de parler. Il faut revisiter l'enseignement à la lumière de ce que tu nous dis.
Y O : Ce n'est pas moi, c'est maître Dôgen, moi je ne dis rien du tout, je ne suis que traductrice et interprète de maître Dôgen.
Moi je donnerai une comparaison, d'autant plus qu'on a parmi nous François qui est peintre, mais comme toujours, la comparaison a ses limites. hi-shiryô c'est la toile (le champ ou bien l'étendue) et le peintre sait que hi-shiryô et shiryô ne font qu'un. Au fond c'est l'arrière-plan, une vaste étendue pour que la pensée défile.
P F : C'est le substrat sur lequel les phénomènes peuvent apparaître ou non.
Y O : Si on a le temps je reviendrai avec vous sur la phénoménologie occidentale car il y a quelques très belles correspondances pour réfléchir sur cette question de shiryô et hi-shiryô. En effet le père fondateur de la phénoménologie occidentale, c'est Husserl qui est un philosophe autrichien- hongrois d'origine juive. Il a dit : « Toute conscience est conscience de quelque chose » et ce "de" veut dire beaucoup de choses. Il y a le sujet pensant qui est dans le cadre du temps et de l'espace tandis qu'en arrière-plan il y a le su jet transcendantal, irréductible, non catégorisable.
Schématiquement on peut situer hi-shiryô dans le domaine de kû (la vacuité), c'est le deuxième moment. La mystique occidentale appelle aussi ce moment le moment abyssal, l'abîme. C'est absolument insaisissable, on n'en peut rien dire. C'est comme Nâgârjuna qui, dans la Madhyamika ne dit que la négation : « ça n'est pas… Ça n'est pas… » On ne peut rien dire positivement.
Or shiryô est dans le domaine du phénomène, hi-shiryô dans le domaine de kû,mais la vacuité et les phénomènes ne font qu'un.
Et si on fait le cercle il y a un troisième moment, le retour à la surface : la pensée analytique qui ne fait qu'un avec ce qui n'est pas de l'ordre de la pensée, et selon mon analyse c'est cela que maître Dôgen appelle fu-shiryô.
P F : Notre fu-shiryô à nous, c'est le contraire de shiryô, alors que là, dans ton fu-shiryô à toi, c'est une évolution après passage par hi-shiryô.
Y O : Voilà, l'unité de shiryô et hi-shiryô c'est ça qui s'appelle fu-shiryô.
► Pour shiryô on avait la sphère de shiki (les phénomènes), pour hi-shiryô on avait la sphère de kû (la vacuité), et pour fu-shiryô ?
Y O : L'unité de shiki et kû, donc le non-dualisme. En effet ils ne doivent faire qu'un, c'est ça le point le plus important. Toujours il y a l'unité. On parle de trois moments (shiryô, hi-shiryô, fu-shiryô) mais en réalité c'est schématique, assez artificiel, puisqu'en réalité ces trois formes de réalité ne font qu'un. Il n'y a pas un moment donné shiryô ou hi-shiryô ou fu-shiryô, ça ne doit faire qu'un. Et cela, j'aimerais que vous entriez vous-même dans la pensée de maître Dôgen, et alors vous-même vous pouvez expérimenter et exprimer au fur et à mesure qu'on avance dans la lecture.
Deuxième paragraphe.
Faites l’étude de la méditation assise en attestant que telle est la parole du grand maître. Transmettez-la avec justesse. C’est réfléchir à fond sur le fait que la méditation assise est transmise dans la Voie de l’Éveillé. Nombreux sont ceux qui ont pensé la méditation assise ; la parole de Yakusan est une parmi d’autres : « Je pense la non-pensée », dit-il. Là, il y a la peau, la chair, les os et la moelle de la pensée ainsi que la peau, la chair, les os et la moelle de la non-pensée.
Mi : C'est ce que vous disiez à l'instant, ici il y a la non-dualité : il y a la peau, les os et la moelle de la pensée et de la non-pensée.
Y O : Tout à fait. Le fait que la pensée ait cette dimension corporelle, charnelle, c'est déjà extrêmement important. Simplement il n'y a que deux termes shiryô et fu-shiryô qui figurent ici, le troisième terme hi-shiryô est absent effectivement, c'est pour cela que hi-shiryô n'est pas de l'ordre de la pensée, ce n'est pas de même niveau. C'est important à souligner.
Quelqu'un a dit tout à l'heure que certains maîtres opposent shiryô et fu-shiryô. Or ici le maître dit : « Je pense la non-pensée ». Si shiryô et fu-shiryô s'opposaient, comment est-ce qu'on pourrait penser la non-pensée ?
Avez-vous d'autres remarques ?
► On parle de la peau, de la chair et des os et de la moelle, pourquoi l'évoquer ?
Y O : Avant tout c'est zazen-shin : pendant le zazen vous pensez, or c'est avec le corps, la peau et les os, la moelle qu'on fait le zazen. Et la pensée n'est autre que le fruit de cette posture assise. Ce n'est jamais séparé de la pensée.
Mi : Ce que je vois là-dedans c'est la présence de l'intelligence primordiale qui se manifeste en pensée (ou qui ne se manifeste pas en pensée), qui reste dans sa vitalité potentielle, d'un seul coup prend la forme d'une pensée à laquelle on s'attache (ou bien à laquelle on ne s'attache pas), et cette vitalité qui est extrêmement riche, c'est hi-shiryô.
Y O : Oui, c'est ce que je pense. C'est-à-dire que hi-shiryô c'est sans forme ni couleur, il n'y a aucun élément saisissable, localisable. Et pourtant comme Michel le souligne, c'est ça la vacuité, ce n'est pas le vide plat mais c'est plein d'énergie, sans cesse en mouvement ; mais sans cette dimension des phénomènes (rûpa) ça ne peut pas se manifester. Donc lorsque que shiryô et hi-shiryô (shiki et kû) s'unissent comme un seul cœur, chair, ça devient quelque chose de palpable, kenjô. Là je pense qu'il faut changer la conception même de la vacuité comme quelque chose de complètement calme, apaisé. Non, au contraire, il y a une vie potentielle infinie, simplement sans cette dimension phénoménale, elle est non catégorisable, insaisissable, mais c'est quelque chose de vital, une vitalité irréductible.
Quatrième extrait
3ème séance sur Zazenshin du 13 mai 2013
Le mouvement ternaire logique
Avant de faire la lecture je voudrais faire une révision. Il s'agit de comprendre les trois moments logiques qui concernent la sphère de la médiation. Je vous ai déjà dit que ce mouvement ternaire logique est un mouvement illocalisable, il s'agit de trois moments qui n'existent pas en soi.
Vous connaissez le terme bouddhiste upâya qui désigne le moyen habile. Les moments logiques ne sont autres que upâya, le moyen habile qui essaie d'expliquer ce qui n'est pas explicable.
Ce sont trois moments logiques que je vous explique très souvent avec un cercle.
– Le 1er moment c'est le point de départ ;
– le 2ème moment c'est le point abyssal (la sphère de la médiation) ;
– le 3ème moment c'est le retour à la surface, c'est l'unité des deux moments précédents.
Et ces trois moments sont atemporels, ils n'existent pas les uns indépendamment des autres.
Pour expliquer un peu je prends une comparaison qui a ses limites. En psychanalyse on parle de la conscience, de l'inconscient et du subconscient. En réalité dans notre psychisme ces trois choses sont omniprésentes. Lorsqu'on est éveillé, on pense qu'on est seulement dans la conscience, mais l'inconscient travaille, de même que le subconscient. Et dans un rêve, c'est plutôt l'inconscient qui occupe le premier plan, mais ça ne veut pas dire que la conscience et le subconscient disparaissent complètement. Ces trois choses ne font qu'un, et il en est de même pour les moments logiques.
Maintenant je voudrais vérifier que vous avez bien assimilé cette explication (qui a sa limite parce que ce n'est qu'un moyen habile).
P F : Est-ce que tu veux dire que le concept de ces 3 moments logiques est un moyen habile pour nous faire toucher une certaine réalité ?
Y O : C'est pour vous aider à comprendre ce que c'est que la méditation assise, entre autres.
Nous avons déjà rencontré une dizaine de termes dans ce texte Zazenshin et nous allons en reprendre certains pour voir à quel moment ils se situent.
Le mouvement logique avec shiryô, hishiryô et fushiryô.
On a déjà vu les trois mots : 思量 [shiryô], 非思量 [hishiryô ] et 不思量 [fushiryô]. On les trouve dans cet ordre au niveau du mouvement ternaire logique :
1. shiryô c'est la pensée analytique
2. hishiryô c'est ce qui n'est pas de l'ordre de la pensée analytique
3. fushiryô c'est l'absence de pensée analytique.
Beaucoup de maîtres zen, qu'ils soient européens ou japonais, commettent beaucoup d'erreurs quand ils essaient d'expliquer ce que sont ces trois termes comme s'il s'agissait de choses chronologiques : au début c'est shiryô, ensuite en zazen c'est hishiryô, et quand on est éveillé, quand c'est réussi c'est fushiryô. Non. Je dis que ces trois moments ne font qu'un.
► L'ordre ici c'est shiryô, hishiryô, fushiryô. Maître Deshimaru proposait un autre ordre à savoir shiryô, fushiryô, hishiryô[3]. Là je ne parle pas de sa compréhension du zen mais de sa formulation.
Y O : Yakusan dit : « Je pense la non-pensée…. c'est dans ce qui n'est pas de l'ordre de la pensée »[4] donc pour moi il est évident que hishiryô est dans la position de la médiation.
Il faut voir qu'avec ce mouvement ternaire logique on explique ce qui n'est pas explicable :
– Le 1 c'est la surface, disons la vision du commun des mortels.
– Le 2 c'est quand on est extrêmement recueilli, on descend au tréfonds de soi, c'est un moment inexplicable, inexprimable.
– Le 3 c'est l'unité de 1 et 2, on retourne à la surface tout en faisant l'unité de la surface et de la profondeur.
[…]
► J'ai regardé le recueil de Mazu il y a un mois. Il dit que ce qui est important dans la méthode de méditation c'est quand il y a une pensée, de voir la pensée, et de retourner à la présence, et non pas de laisser les pensées s'enchaîner les unes aux autres. On laisse la pensée s'envoler comme un nuage, on retourne à la présence puis vient une autre pensée etc.
Y O : Ça ce serait plutôt fushiryô.
J'ai dit que fushiryô c'est le moment qui fait l'unité de shiryô et hishiryô. Mais je définirais plutôt ce moment logique comme "la pensée qui se pense elle-même", elle n'est plus objet d'un sujet pensant : c'est la pensée qui prend l'autonomie.
Et pour illustrer cette explication, je pense à la musique. Les musiciens, notamment en jazz, quand ils sont en transe, jouent ensemble, notamment dans la musique improvisée. Et quand la musique atteint sa plénitude c'est la musique qui commence à jouer elle-même. Et je pense que pour la peinture on peut dire la même chose.
Donc ça c'est fushiryô: la pensée qui commence à se penser elle-même, il n'y a plus l'opposition entre le sujet pensant et l'objet pensé, ils ne font qu'un, c'est le non-dualisme.
[…]
M D : Est-ce que fushiryô que vous avez traduit par "non-pensée", on ne pourrait pas le traduire par "non-penseur" ?
Y O : Pourquoi pas.
M D : C'est-à-dire qu'il y a toujours des pensées qui se produisent, mais puisqu'elles ne s'enchaînent plus, elles ne constituent pas un "moi" en quelque sorte.
Y O : Voilà, disons que c'est la pensée de l'Éveillé, c'est l'Éveillé qui pense : si on arrive à atteindre fushiryô, la non-pensée, c'est l'Éveillé qui pense en moi.
► Ça fait écho à la Bible[5].
Cinquième extrait
4ème séance sur Zazenshin
Le point sur 思量 [shiryô], 非思量 [hishiryô ] et 不思量 [fushiryô]
Une question m'a été posée à propos de ce mouvement ternaire logique.
J'ai expliqué que fushiryô (la non-pensée) qui est au troisième moment logique n'est autre que l'unité de shiryô (la pensée analytique) et hishiryô (ce qui n'est pas de l'ordre de la pensée). Et j'ai bien expliqué que, en tant que l'unité de shiryô et hishiryô, fushiryô est une pensée qui n'est pas pensée comme objet puisque le sujet pensant et l'objet pensé ne font qu'un, autrement dit que fushiryô (la non-pensée) n'est autre que « la pensée qui pense elle-même en elle-même ». Voilà ce que j'ai expliqué.
La question qui m'a été posée est la suivante : si je dis que fushiryô (la non-pensée) n'est autre que l'unité de shiryô (la pensée analytique) et hishiryô (ce qui n'est pas de l'ordre de la pensée), comment est-ce que j'arrive à dire que c'est une pensée qui pense elle-même en elle-même ? Par exemple où est shiryô (la pensée analytique), elle doit bien exister quelque part du moment que je dis que c'est l'unité ?
P F : Tu veux dire que, si ce que tu appelles non-pensée ça englobe la pensée et ce qui n'est pas de l'ordre de la pensée, ces choses-là qui sont dedans restent dedans, et quand on ouvre la boîte de la non-pensée on devrait retrouver la pensée analytique à l'intérieur.
Y O : C'est ça la question et c'est extrêmement important.
Pour bien expliquer je voudrais vous donner deux exemples.
La machine à écrire.
D'abord l'exemple de la machine à écrire. Au Japon à mon époque c'était au collège qu'on commençait à apprendre l'anglais, peut-être est-ce encore le cas aujourd'hui. Et quand j'ai commencé à apprendre l'anglais j'étais passionnée, alors mes parents m'ont offert une machine à écrire avec un clavier anglais. À l'époque il n'y avait pas d'ordinateur. J'étais tellement passionnée que j'ai acheté une méthode de dactylographie. J'ai excellé dans cet art et à partir d'un certain moment je suis arrivée à taper sans regarder le clavier : pour chaque lettre envisagée, directement mes doigts bougeaient. Et je me disais : je ne pense plus parce que directement mes doigts bougent sans que je pense. Mais en fait, ce n'est que l'apparence, c'est une absence apparente de la médiation. La sphère de la médiation demeure dans mon cerveau, mais lorsque cette médiation atteint sa plénitude, elle devient inexistante.
C'est l'immense paradoxe qu'il est extrêmement important de comprendre : "l'être" de la médiation dans sa perfection n'est autre que "le non-être".
Et c'est exactement comme le miroir, mais pas le miroir matériel puisque le miroir matériel a toujours besoin d'avoir le tain au dos pour qu'il puisse refléter, tandis que le miroir que vous pouvez réaliser grâce au zazen, lui n'a pas de tain.[6]
P F : Ce que tu appelles la médiation c'est utiliser une méthode pour bien mettre les doigts là où il faut. Au départ j'ai une idée dans ma tête qui est d'écrire un mot : pour la première lettre je dois mettre le petit doigt là ; pour la deuxième etc… Donc dans ton rapport avec la machine il y a une règle…
Y O : C'est la médiation qui fait l'unité des deux.
P F : C'est ce qui fait que quand tu veux écrire le mot chanter, tac tu tapes et ça écrit le mot "chanter" immédiatement, car au bout d'un moment la médiation est parfaitement maîtrisée par ton cerveau, tu l'as intégrée.
Y O : La médiation devient immédiate.
P F : Elle disparaît car c'est devenu un automatisme, mais en réalité c'est inclus quelque part dans ton corps.
Y O : C'est dans mon cerveau. Mais mon cerveau est tellement perfectionné !
P F : Ton cerveau a laissé tomber l'idée de penser à chaque fois : quatrième doigt là…
Y O : Non il ne laisse pas tomber, au contraire mon cerveau a atteint sa plénitude.
P F : Oui mais ce n'est pas au sens où il se le répète plus vite que d'habitude et en plus fort, c'est au sens qu'il a fini son travail.
Y O : Oui, c'est cela, mais il n'est pas conscient de ce qui se passe, c'est pour ça que la médiation devient le non-être.
Le danseur.
Je vous donne mon deuxième exemple : il s'agit de la danse ou du patinage artistique. Les danseurs travaillent énormément. Et c'est à partir du moment où leur travail devient une perfection que la difficulté apparemment disparaît complètement. En fait ça ne veut pas dire que les difficultés n'existent plus car elles existent, et pourtant elles deviennent inexistantes grâce à ce travail de la médiation. Et fushiryô c'est exactement ça : c'est l'unité de shiryô et de hishiryô tellement parfaite qu'apparemment…
P F : Le danseur qui compte ses pas : 1-2-3-4 1-2-3-4… Ça c'est dans shiryô et à la fin le danseur fait un mouvement parfait et il ne compte plus 1-2-3-4 mais ça respecte bien 1-2-3-4 et ça c'est dans fushiryô.
Y O : C'est exactement ça.
C'est pour cela que je maintiens ma traduction de fushiryô par la non-pensée, c'est bien dans le sens de l'absence de pensée mais pas au sens d'une négation absolue, alors que dans hishiryô (ce qui n'est pas de l'ordre de la pensée) c'est la négation absolue. Et la sphère de la médiation est dans hishiryô.
C'est pour ça que dans les corpus zen ou chan, en particulier dans le Shôbôgenzô, il y a tant de métaphores concernant le miroir. Quand nous allons lire le passage sur le polissage de tuile nous allons voir le miroir. Je dirais que l'être du miroir dans sa perfection – qui en réalité est l'essence du miroir – n'est autre que le non-être. C'est l'unité de l'être et du non-être qui fait vraiment le corps du miroir.
P F : Alors l'être c'est dans shiryô, le non-être c'est dans fushiryô : donc dans shiryô 1-2-3-4 ça existe et dans fushiryô ça n'existe pas, il n'y a plus la règle de "je compte mes pas".
Y O : Oui, c'est ça.
La nature et la Nature.
Pourquoi je dis ça ? C'est justement cette compréhension qui distingue la Nature avec un N majuscule et la nature du naturaliste. Le naturaliste considère qu'il n'y a aucun travail de médiation, que ça va de soi sans travailler.
À un moment donné, j'avais dit que la nature travaillait, ce qui est vrai. Seulement le travail de la nature est tellement parfait, tellement plénier qu'il ne se voit pas. C'est comme si c'était naturel. J'ai employé l'expression « la nature travaille » dans l'atelier consacré au Genjôkôan.
Il en va de même de l'intuition et de la spontanéité. Le commun des mortels pense que l'intuition et la spontanéité, c'est complètement gratuit, qu'il n'y a rien à faire : c'est simplement spontané. Alors que la véritable spontanéité (ou la véritable intuition) cache derrière elle l'immense sphère de la médiation à savoir l'étude, le travail, les efforts.
Dernière remarque.
Une dernière remarque : j'ai parlé d'être et de non-être. On est obligé ici d'utiliser des termes ontologiques, même si ce ne sont pas des mots du bouddhisme. C'est par défaut que j'utilise ces mots et que je parle de l'unité de l'être et du non-être à propos du miroir[7].
Pour finir voici le poème final de Zazenshin qui est la maxime de maître Dôgen :
« La dynamique essentielle des éveillés (est) l’essence dynamique des patriarches. Elle se présente sans pensée (fushiryô) ; elle se réalise sans interpénétration. En se présentant sans pensée, cette présence est une intimité en soi. En se réalisant sans interpénétration, cette réalisation est une attestation en soi. Intimité en soi, puisque sa présence n’a jamais eu la moindre souillure. Attestation en soi, puisque sa réalisation n’a jamais eu la moindre partialité. Cette intimité, qui n’a jamais eu la moindre souillure, est une intimité qui se dépouille sans rejet. Cette attestation, qui n’a jamais eu la moindre partialité, est une attestation qui se pratique avec ingéniosité, sans dessein (dessin). L’eau est transparente jusqu’à l’abysse ; le poisson y nage à l’image du poisson. Le vaste espace transperce le ciel ; l’oiseau y vole comme oiseau. »
[1] Un autre message fera des comparaisons de traductions de ce paragraphe
[2] Comme je n'arrivais pas à entendre l'anglais qui a été donné par Michel, je mets à la place une traduction anglaise du passage, et une traduction d'un autre passage où on trouve ces trois termes trouvée sur internet (j'ai fait un copié-collé).
[3] Voir t le deuxième commentaire de maître Deshimaru qui se trouve dans le message suivan.
[4] Voir le 4ème paragraphe de Zazenshin.
[5] « Ce n'est plus moi qui vis mais le Christ qui vit en moi. » (st Paul, Lettre aux Galates ch 2 verset 20)
[6] « Dans la terminologie bouddhique, le miroir (kyô) symbolise la sagesse suprême de l'Éveillé, sagesse qui fait apparaître toutes choses telles qu'elles sont. Notons d'abord que cette sagesse ainsi symbolisée par le miroir n'a pas de contenu propre, elle est vide en soi, comme si la présence du miroir parfait était absolument identique à son absence. » (Y Orimo, Introduction du fascicule KoKyô (Le Miroir ancien), tome 3 de la Traduction intégrale du Shôbôgenzô p.133).
[7] « La syntaxe chinoise est structurée sans le verbe être si cher à la philosophie occidentale autour de quatre caractères : ze 是(c'est cela) et hi非 (ce n'est pas cela) ; u 有(il y a) et mu 無(il n'y a pas). » (Glossaire du Tome 3).