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Ateliers d'étude du Shôbôgenzô avec Yoko Orimo
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Ateliers d'étude du Shôbôgenzô avec Yoko Orimo
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19 avril 2013

Compte-rendu Shukke 2ème séance 23/03/2013

 

Atelier d’étude du Shôbôgenzô au Dojo Zen de Paris 23/03/2013

Animé par Yoko Orimo

Fin de l'étude de Shukke 出家

Quitter la demeure pour se faire moine

 

Ce message est ici en fichier docx : Y_Orimo_DZP_2013_03_23_fin_Shukke ;

et en 2 fichiers pdf 1ère partie : Y_Orimo_DZP_2013_03_23_fin_Shukke_1 ;

2ème partie : Y_Orimo_DZP_2013_03_23_fin_Shukke_2 .

 

Présentation de la transcription

Cette transcription concerne la séance du 23 mars avec quelques changements puisque le passage de l'oral à l'écrit nécessite quelques modifications. Il y a quelques ajouts par rapports à la séance (notes, tableau, images…).

Du fait qu'il y avait beaucoup d'absents à la séance précédente Yoko Orimo a d'abord fait un petit rappel qui figure dans le compte-rendu précédent.

Le plan de cette séance : lectures des trois dernières parties de Shukke ; sens étymologique des termes concernant les moines et le monastère zen.

                                                                                                              Christiane Marmèche

 

Y O : Je vous remercie d'être venus participer à cet atelier. C'est le dernier atelier qui se tient ici au DZP. Il nous restera ensuite quatre séances consacrées à un seul texte Zazenshin, un texte fondamental et très dense, qui auront lieu à l'IEB.

Le texte du Shôbôgenzô que nous lisons se nomme Shukke 出家 « Quitter la demeure pour se faire moine » ou bien « Quitter la famille pour se faire moine ». J'ai dit la dernière fois que certains orientalistes préfèrent traduire le deuxième kanji 家 par « la famille » mais en ce qui me concerne je préfère toujours traduire par « la demeure ».

Le programme d'aujourd'hui. :

– Nous allons poursuivre la lecture : il nous reste trois parties de Shukke.

– Ensuite nous ferons une petite étude terminologique, puisqu'il y a déjà pas mal de termes sino-japonais que les pratiquants bouddhistes utilisent comme godô, rôshi… sans connaître le sens étymologique de chaque terme ni le sens figuré exact.

– Enfin j'aimerais aborder les quatre questions que j'ai posées dans le guide de travail. Je demanderai au moins à quelqu'un de lire ces quatre questions qui n'en font qu'une en réalité et qui concernent l'état actuel des pratiquants bouddhistes et surtout zen en Europe.

P F : Le guide de travail n'a pas été donné à ceux qui se sont inscrits aujourd'hui mais il est sur le blog.

 

Première partie : Lecture de Shukke

 

1) Lecture de la deuxième partie de Shukke :

Il est écrit dans le Grand[1] Sûtra de l’accomplissement de la Sagesse, livre 3 :

« L’Éveillé, le Vénéré du monde dit : ‘Il doit y avoir les êtres d’Éveil et les grands êtres d’Éveil qui pensent comme suit : ‘’Un jour, j’abandonnerai mon pays et mon rang. Ce jour-là où je quitterai la demeure pour me faire moine, je réaliserai aussitôt l’Éveil correct et égal sans supérieur. De même, ce jour-là, je tournerai la merveilleuse roue de la Loi pour que d’innombrables êtres vivants, au nombre incommensurable, se détachent de la souillure et des poussières de ce monde et qu’ils obtiennent l’Œil pur de la Loi. De même, je leur ferai éteindre pour toujours les passions et obtenir la sagesse du cœur qui les libère. De même, je leur ferai obtenir la force de ne pas reculer dans l’Éveil correct et égal sans supérieur. ‘’ Si les êtres d’Éveil et les grands êtres d’Éveil désirent réaliser cet événement, qu’ils étudient justement l’accomplissement de la Sagesse. »           

En un mot, l’Éveil complet et parfait sans supérieur se réalise en plénitude au moment où on quitte la demeure et reçoit les préceptes. Si ce jour-là n’existait pas, l’Éveil ne se réaliserait pas en plénitude. S’il en est ainsi, c’est en triturant le jour où l’on quitte la demeure pour se faire moine qu’on réalise comme présence le jour où se réalise l’Éveil complet et parfait sans supérieur. C’est le jour où l’on quitte la demeure pour se faire moine qui fait advenir, en se triturant, le jour où se réalise l’Éveil complet et parfait sans supérieur. Quand cet acte de quitter la demeure pour se faire moine se retourne sur lui-même,  voilà que tourne la merveilleuse roue de la Loi ! Ce n’est autre que cet acte de quitter la demeure pour se faire moine qui donne à d’innombrables êtres vivants la force de ne pas reculer dans l’Éveil correct et égal sans supérieur. Sachez-le, c’est ici que se trouve en plénitude le profit de soi au profit des autres[2]. C’est grâce à l’acte de quitter la demeure pour se faire moine et à la réception des préceptes que l’Éveil complet et parfait sans supérieur ne connaîtra ni recul ni altération.  Ainsi la réalisation de l’Éveil sans supérieur réalise-t-il à son tour le jour de quitter la demeure pour se faire moine dans l’Éveil.

Sachez-le justement, ce jour où l’on quitte la demeure pour se faire moine transcende l’identique et le différent. C’est ce jour-là qu’on atteste la pratique telle qu’elle est effectuée depuis des éons incommensurables[3]. C’est ce jour-là que l’on tourne la merveilleuse roue de la Loi au milieu de l’océan des éons incommensurables. Le jour où l’on quitte la demeure pour se faire moine n’est comparable ni à la durée d’un repas, ni à une soixantaine de petites divisions d’un éon. Il transcende le passé, le présent et le futur, et se dépouille de tout ce qu’on peut imaginer. Ce jour-là, où l’on quitte la demeure pour se faire moine, se transcende lui-même. Et bien que ce soit ainsi, si l’on arrive à briser les entraves[4] le jour où l’on quitte la demeure pour se faire moine n’est autre que le jour où l’on quitte la demeure pour se faire moine, et le jour où l’on réalise la Voie n’est autre que le jour où l’on réalise la Voie.

► J'ai une question : pourquoi le verbe triturer ?

Y O : Oui c'est la même question que Marianne. Là-dessus tout le monde me conteste ! Le mot sino-japonais original nen 拈 est un idéogramme composé où la clé 扌 représente la main et le corps représente l'acte de pincer avec un doigt et de tourner, de tortiller.

P F : Un peu comme on pince une oreille ?

Y O : Oui. Et ce mot figure dans la scène fondatrice de la transmission de l'éveillé : l'éveillé prit et tritura une fleur d'Udumbara et Mahâkâçyapa a souri.

Donc j'ai eu beaucoup de contestations sur ma traduction de nen 拈 par le verbe triturer. De toute façon je prépare la traduction intégrale définitive pour plus tard. Donc toutes les opinions sont bienvenues, je les prends en compte.

Paul : Triturer c'est quelque chose qu'on a dans la main et qu'on garde dans la main, on ne le fait pas tourner. Ça correspondrait plutôt à manipuler. Triturer c'est quelque chose de très grossier, il s'agit de malaxer, de mêler, alors que pincer a un sens plus délicat.

► Pincer ne suffirait pas parce qu'il y a besoin de l'idée de tourner, de tortiller.

Y O : Simplement dans le zen il y a le mot 拈弄 [nenrô] « triturer et jouer » où 弄 c'est jouer[5]. Or nenrô est surtout utilisé pour le kôan : justement quand les moines malaxaient les mots, c'est comme si on travaillait avec de l'argile. Donc j'entends la critique sur le verbe triturer. Marianne m'a gentiment proposé « agir avec, agir sur, faire agir » mais ça ne respecte pas le caractère sino-japonais.

Paul : Par contre, ce que je reconnais bien dans "triturer" c'est cette idée d'un travail très long, sur le long terme.

M P : Ce qui est vrai pour un kôan ne l'est pas pour la fleur. Une fleur c'est quand même quelque chose de délicat.

F A : Il tourne la tige dans ses doigts.

Y O : Je vous remercie beaucoup. En tout cas toutes les suggestions sont les bienvenues.

P F : Dans le texte le mot nen va avec shutsu : nenshutsu 拈出.

Y O : Shutsu 出 c'est sortir. Donc il s'agit du jour où on quitte la demeure.

P F : Il y a cette idée : « Je sors en me triturant moi-même ».

F M : « Je sors en sortant de moi-même. »

Y O : C'est ça : faire sortir soi-même de soi.

« Cet acte se retourne sur lui-même »

Pierre : Moi j'avais une question à propos du deuxième paragraphe : « Cet acte de quitter la demeure pour se faire moine se retourne sur lui-même ».

Y O : C'est-à-dire que plus tard Dôgen dit : « C’est ici que se trouve en plénitude le profit de soi au profit des autres ». Donc ça concerne à la fois moi-même (ça retourne à moi-même), mais ça retourne aux autres, c'est-à-dire que ça concerne les autres. Ce simple acte de quitter la demeure pour se faire moine concerne à la limite l’univers tout entier, moi-même et les autres. Donc ça me concerne aussi : ça retourne à moi-même. C'est de cette façon que je l'interprète.

Différentes sortes d'éveil.

M P : J'ai une petite question au sujet de « l'Éveil parfait et complet » puisqu'à un moment il s'agit aussi de « l'éveil correct et égal ».

Y O : En effet il y a plusieurs termes qui désignent l'Éveil parce qu'il y a plusieurs étapes. L'Éveil suprême c'est-à-dire Bodai 菩提 : Mujô-bodai 無上菩提 c'est l'Éveil parfait et sans supérieur c'est la traduction même du terme sanskrit anokutara sambodai. Mais en dessous il y a d'autres Éveils qui ne sont pas complètement à ce niveau : shôgaku 正覚 (skr. sambodhi), qui désigne l’« Éveil correct », est un synonyme du terme tôgaku 等覚 qui désigne l’« Éveil correct de l’Éveillé égal à tous les éveillés » (skr. samyak-sambodhi) celui-ci se trouve juste avant l'Éveil suprême. Il y a beaucoup de termes un peu différents.

M P : Est-ce qu'il s'agit de reculer pour revenir dans l'Éveil correct ?

Y O : Non, l'Éveil correct correspond au bodhisattva qui s'arrête à la dernière étape juste avant l'Éveil suprême, et ça c'est shôgaku.

F M : J'ai un problème aussi sur ce terme « Éveil parfait et sans supérieur » et aussi sur ce qui suit : comment peut-on reculer d'un Éveil parfait et sans supérieur ? Si l'Éveil parfait est atteint il n'y a pas de recul possible. S'il y a plusieurs Éveils effectivement dans la carrière, tant qu'on n'a pas atteint l'Éveil du Bodhissatva on peut passer d'un Éveil à un autre.

Y O : En même temps, l'ensemble de cette deuxième partie tourne autour de la temporalité. Et je crois qu'au tout début de ce commentaire le maître japonais souligne que dès qu'on quitte la maison donc le premier jour, au commencement même, tout est accompli, y compris l'Éveil suprême. Simplement ça n'annule pas pour autant la dimension historique et temporelle de chaque individu (il le dit à la fin de la première partie). C'est contradictoire : à la fois tout est là, mais ça n'empêche pas qu'il y ait des étapes.

Autrement dit, maître Dôgen affirme que le jour même où on quitte la demeure on atteint l'Éveil suprême, mais c'est en potentiel, donc on peut aller et reculer. En tout cas moi je l'interprète comme ça, c'est très dynamique.

Paul : Est-ce qu'on ne pourrait pas traduire : « reculer devant l'éveil » ? Donc les êtres sont attirés vers l'Éveil mais ils ne reculent pas devant l'Éveil. Cela donnerait comme traduction : « cet acte de quitter la demeure pour se faire moine donne à d’innombrables êtres vivants la force de ne pas reculer devant l’Éveil correct et égal sans supérieur ».

F M : On pourrait dire aussi « de ne pas régresser dans sa marche vers l'éveil ».

Y O : Oui, c'est intéressant et c'est dans sens-là que j'ai traduit. Donc si vous voulez, pour que ce soit plus clair, on peut modifier la traduction.

P F : Vous ne le savez peut-être pas mais Paul est passionné par le travail qui est fait aux États-Unis, au San Francisco Zen Center, d'une traduction collégiale.

Paul : C'est le Sôtô Zen Project.

Y O : Oui il y a Monsieur Bodiford dedans.

Paul : C'est un travail que je trouve passionnant : ils se mettent à plusieurs pour retraduire le Shôbôgenzô en anglais. C'est un travail collégial, cependant j'ai l'impression que le côté collégial s'est un peu évaporé. Mais l'idée que c'est collégial, que c'est un travail à la fois d'enseignants, de pratiquants, de maîtres spirituels etc., c'est très intéressant.

Y O : Je ne connais cela que partiellement, simplement je crois que même si on dit que c'est collégial, telle personne (savant ou pratiquant) traduit tel texte sans jamais mélanger.

Paul : En fait ce que je retiens c'est que leur objectif est de faire une traduction du Shôbôgenzô qui soit une version comparable à celle de Kumârajîva en chinois c'est-à-dire une version de référence qui s'adresse à tous ensuite, dans laquelle un universitaire, un moine, un débutant puisse trouver quelque chose d’enrichissant. Et ça, je trouve que c'est très intéressant.

P F : C'est d'ailleurs peut-être là-dedans qu'on piochera pour l'année prochaine des exemples de traduction pour comparer avec d'autres traductions.

J'en profite pour faire passer un message. L'an prochain les ateliers qui auront lieu au DZP avec Yoko vont être réorientés vers un travail d'analyse comparative où il y aura davantage de place pour que chacun exprime le retentissement que ça a dans sa pratique. On ne va pas faire beaucoup de textes dans l'année, un ou deux seulement, et on va les regarder plus en profondeur. Et le travail qu'on fait très vite d'un texte à l'autre comme on a fait cette année, on continuera de le faire mais seulement à l'IEB où on aura 16 séances d'étude sur des textes du Shôbôgenzô (entre 5 et 8 textes). Ici on va s'y prendre autrement, avec d'autres éclairages.

Salut de tous les êtres.

Ce qu'il faut souligner dans cette partie, c'est que le salut des autres et le salut de soi-même ne font qu'un : se sauver soi-même c'est en même temps sauver tous les êtres. Et il y a le thème de la temporalité.

Pierre : J'ai l'impression que chez Dôgen, quitter la demeure c'est la vision d'être dans une roue : entrer dans une topologie qui est une roue, et ça rejoint le yin et le yang pour moi. Vous disiez que les contradictions ne gênaient pas maître Dôgen, son but était peut-être d'entrer dans quelque chose qui tourne. Le fait d'être sans demeure, c'est ne jamais se fixer quelque part, c'est tourner et ça me fait penser à la roue de la loi qui tourne.

Y O : Ce que vient de dire Pierre est important, sauf un point sur lequel je ne suis pas du tout d'accord. Ne mélangeons pas yin et yang parce que c'est un concept d'une autre tradition.

Pierre : Effectivement je disais ça intuitivement.

Y O : Mais ce que vous dites est intéressant : le mouvement linéaire devient circulaire.

Le Grand Sûtra de l’accomplissement de la Sagesse.

La source de la citation : le Grand Sûtra de l’accomplissement de la Sagesse [Dai-hannya-haramitsu kyô 大般若波羅蜜経], T.5, n°5-7, n°220. Le passage est tiré du livre 3, chapitre « Recommandation à la première étape des études » [Shobungakukan-hon 初分学勧品]. Hannya-haramitsu n’est que la transcription japonaise du terme sanskrit Prajñā-pārāmitā. Est-ce que vous connaissez quelque chose sur le grand sûtra de la Prajñā-pārāmitā ?

A G : C'est l'un des grands textes qu'on dit fondateur du Mahâyâna.

Y O : Il comporte au total 600 livres, 16 sûtras. Et la période de formulation s'étale sur plus de 10 siècles à partir de l'an zéro (selon certains spécialistes ça va jusqu'à l'an 1200).

Et le condensé de cet immense corpus c'est Hannya Shingyô.

F M : Entre les deux il y a eu d'autres condensés qui comportent moins de volumes. Le Hannya Shingyô est la concentration maximum en une page.

► C'est un corpus en plusieurs langues ?

Y O : C'est en sanskrit d'abord et ensuite ça a été traduit en chinois par Genjô (612-664) dont le nom est Xuang Zang en chinois parce que les Chinois et les japonais prononcent autrement. L'année prochaine on fera un petit peu d'études de langue.

En ce qui concerne la traduction en chinois des corpus originaux en sanskrit, il faut retenir deux noms : Kumârajîva (aux alentours du quatrième siècle) et Genjô. En général les Chinois et les Japonais appellent la majorité des corpus traduits par Kumârajîva : Kuyaku 旧訳 « l'Ancienne traduction » ; et ceux traduits par Genjô : Shinyaku 新訳 « la Nouvelle traduction ». Kumârajîva vivait aux alentours du IVe siècle. Pour Genjô on peut retenir que sa traduction du sûtra de la Prajñā-pārāmitā a été faite entre 660 et 663, donc au milieu du VIIe siècle, et qu'il a traduit le Hannya Shingyô en 649 (ce n'est pas Kumârajîva).

P F : C'est étonnant parce que nous, on a retenu surtout le nom de Kumârajîva, alors que Genjô est plus récent et qu'il a apparemment une assez grande envergure.

Y O : Genjô est aussi important que Kumârajîva, sans doute il est moins génial parce que Kumârajîva est un homme absolument exceptionnel.

 

Lecture de la troisième partie de Shukke :

Il est écrit dans le Traité de la grande vertu de la Sagesse, livre 13 :

« Lorsque l’Éveillé se trouvait à Jetavana, survint un brahmane ivre qui venait à l’Éveillé, désirant devenir un moine. L’Éveillé ordonna alors à des moines de raser sa tête et de l’habiller de robe de l’Éveillé. Quand se dissipa son ivresse, (le brahmane) fut surpris et dérouté de se voir tout à coup transformé en figure de moine. Aussitôt, il partit en courant. Les moines interrogèrent l’Éveillé : ‘Pourquoi avez-vous écouté ce brahmane ivre et fait de lui un moine, alors qu’il vient de partir en courant ?’ L’Éveillé dit : ‘Ce brahmane-là n’a jamais eu le moindre cœur à quitter la demeure pour se faire moine, même à travers des éons incommensurables. Maintenant, à cause de son ivresse, il l’a eu, quoique momentanément. Grâce à cette relation circonstancielle, plus tard, il quittera la demeure pour se faire moine.’ Ainsi les relations circonstancielles sont-elles variées. Les moines[6]qui brisent leurs préceptes sont encore supérieurs aux laïcs qui gardent leurs préceptes. Car les préceptes des laïcs ne sont pas faits pour la libération de soi. »        

Nous savons clairement cet enseignement essentiel décrété par l’Éveillé : la transformation que réalise l’Éveillé[7] n’a pour fondement que cet acte de quitter la demeure pour se faire moine. Sans cela, la Loi de l’Éveillé ne serait pas. Du vivant de l’Ainsi-Venu, quand les personnes hors de la Voie de diverses sortes trouvèrent refuge dans la Loi de l’Éveillé en abandonnant leurs voies tordues, ils lui demandèrent toujours et d’abord de faire d’eux des moines.

Ou bien, le Vénéré du monde accueillit (Mahâkâçyapa) en disant : « Bienvenue, moine ! » Ou bien, il ordonna à des moines de raser la tête (du brahmane ivre) pour faire de celui-ci un moine et lui faire recevoir les préceptes. L’un et l’autre furent aussitôt parfaitement munis de la règle[8]. Sachez-le, lorsque, corps et cœur, on se laisse édifier par l’Éveillé, les cheveux tombent spontanément, et le corps est recouvert d’une robe d’Éveillé. Tant que les éveillés n’agréent pas la demande, il n’y a ni tonsure, ni robe d’Éveillé recouvrant le corps, ni réception des préceptes de l’Éveillé. S’il en est ainsi, quitter la demeure pour se faire moine et recevoir les préceptes ne sont autres que l’annonce de la réalisation conférée intimement par la multitude des éveillés et l’Ainsi-Venu.

Y O : Cette partie est assez simple je crois.

Les préceptes des laïcs.

F M : Peux-tu nous expliquer quels sont les préceptes pour les laïcs, ceux qui ne sont pas faits, paraît-il, pour la libération de soi !

Y O : Oui, c'est important. Merci.

L'opposé de shukke 出家 c'est zaike 在家 où zai 在 veut dire demeurer : il s'agit donc de ceux qui demeurent dans la maison, dans la famille ; en français je crois que c'est les laïcs.

On a donc zaike 在家 (pali. gahattha, gihin ; skr. grhastha-âçraya) qui désigne le(s) « laïc(s) ». Par ailleurs le mot ubasoku 優婆塞est une transcription phonétique du terme original en sanskrit upâsaka : le(s) « laïc(s) », et le féminin du même nom est ubai 優婆夷 [skr. upâsikâ].

Pour les laïcs il y a six jours de récollection au total par mois. Dans la tradition sino-japonaise ce sont les 8, 14, 15, 23, 29 et 30 de chaque mois. Et il y a huit préceptes à observer ces jours-là qui ne diffèrent pas beaucoup des dix graves interdictions.

Les 8 préceptes, c’est hat kai, et en chinois c'est sai 斎 qui désigne une sorte de récollection. C'est-à-dire que les laïcs étaient invités à s'ajuster le corps et le cœur pour se préparer à la fête religieuse. C'est déjà vrai depuis l'époque des védas. Ce hatkai s'appelle aussi fu satsu 布薩 et c'est une traduction du mot pâli uposatha et du mot sanskrit upavasa (uposhadha) et à l'époque des védas en pali ancien c'était poshadha.

Voici ces huit préceptes à appliquer pendant ces six jours :
– ne pas tuer
– ne pas voler
– ne pas avoir de rapport sexuel
– ne pas mentir
– ne pas boire
– ne pas se parer ni se maquiller
– ne pas dormir dans un lit confortable
– ne pas manger après le déjeuner (c'est-à-dire manger deux fois et non pas trois).

P F : C'est donc six jours intenses.

Y O : Mais ce n'est pas difficile quand même, ce n'est pas tous les jours.

► Il y a quand même deux séquences de deux jours, c'est comme une mini-seshin !

F M : Maintenant je pose ma question : pourquoi est-il dit dans le Traité de la grande vertu de sagesse que ces préceptes ne sont pas faits pour la libération de soi ?

Y O : C'est ce qu'on a vu tout à l'heure. Toute la question est qu'apparemment le "deuxième" Dôgen (deuxième "entre parenthèses") est radicalement tourné vers la vie religieuse, donc il dit que les préceptes des laïcs ne conduisent pas les être humains vers l'éveil.

P F : Mais ce n'est pas Dôgen qui le dit.

Y O : Mais s'il le cite, c'est qu'il l'affirme quelque part.

► C'est vrai qu'il ne prend pas position contre ensuite.

L'habit fait le moine.

P F : Ce que Dôgen disait c'est que, dès que tu quittes la maison pour être moine, que tu mets la robe, tu as l'Éveil et tu as tous les préceptes d'un coup.

Y O : Tout ne se fait pas d'un seul coup mais potentiellement c'est fait.

P F : Les cheveux tombent et on a la robe.

Y O : Ici il y a à considérer la différence de mentalité. En France on dit : « L'habit ne fait pas le moine » mais dans la culture extrême-orientale « L'habit fait le moine » c'est-à-dire que la forme, la manière de se comporter extérieurement concernent directement l'intérieur puisque l'intérieur et l'extérieur ne s'opposent pas, c'est le non-dualisme. C'est pour cela que dans le zen c'est radical.

► Dans tous les milieux sociaux, il y a des codes.

Y O : Absolument. Et pour les Occidentaux ça peut apparaître comme du formalisme (« ce n'est que l'apparence ») mais pour l'esprit extrême-oriental c'est à partir de cela que l'intérieur commence, donc l'habit est aussi important que l'intérieur.

Être muni des préceptes.

P F : « L'un et l'autre furent aussitôt parfaitement munis de la règle » donc dès le début ils sont équipés de tout. Le mouvement de trituration de soi qui consiste à s'engager dans la voie du moine, fait qu'on se met à obéir aux règles instantanément.

Paul : Tu as l'air d'interpréter ce qui est dit avec le fait qu'aussitôt ils intègrent les règles et les suivent spontanément. Je ne crois pas que ce soit ce que veut dire Dôgen. Il veut dire qu'ils deviennent moines complets, parfaitement ordonnés, mais après ils suivent les règles ou non.

P F : Ils n'ont pas besoin des règles.

Paul : Si, ils en sont munis, mais après ils font ce qu'ils veulent avec ça.

P F : Donc sans être forcé de les respecter. Ça y est, j'arrive à faire le lien.

C M : Dôgen cite deux exemples où on voit que tout arrive tout seul : celui de Mahâkâçyapa qui, tout d'un coup, se retrouve avec les cheveux qui tombent et la robe qui arrive ; celui de l'ivrogne à qui tout arrive de façon inconsciente. Donc pour les deux, c'est pareil, ce n'est pas volontairement que tout s'est fait ; mais à son réveil l'ivrogne part en courant !

Y O : Voilà. Et il y a aussi la fameuse histoire de la nonne Utpalavarna [蓮華色比丘尼 (Fleur de lotus) : c'est une prostituée qui par hasard s'est habillée en nonne et a réalisé la Voie[9].

Paul : Maître Deshimaru cite cette histoire plusieurs fois dans ses ouvrages.

Y O : Moi j'aime bien, parce que justement on n'est pas maître de son propre destin dans le sens positif du terme : on ne sait pas ce qu'on est, peut-être qu'on est beaucoup plus grand qu'on n'imagine.

La source de la citation.

Si vous n'avez pas de questions sur cette partie qui est simple, je voudrais donner une petite explication sur la source. Il s'agit du Traité de la grande vertu de sagesse [Daichidoron 大智度論] (T.25, n°1509) traduit en chinois parKumârajîva. Il comporte au total 100 livres. Maître Dôgen l'appelle simplement le Grand traité parce que c'est vraiment le traité majeur de la tradition du Grand Véhicule. Ce traité a déjà été traduit en français par Étienne Lamotte (1903–1983) qui est un grand universitaire belge de l’Université de Louvain. Il a élaboré cette traduction sur plusieurs années (vol. 1, 1944 ; vol. 2, 1949 ; vol. 3, 1970 ; vol. 4, 1976 ; vol. 5, 1980). C'est un immense travail, et c'est grâce à lui qu’on convient maintenant que l'auteur exact de ce Grand traité n'est pas Nâgârjuna (150–250 environ) auquel on l'attribuait jusqu'alors. Il doit exister un autre auteur, mais on ne le connaît pas.

D'autre part je voudrais signaler que ce Grand traité fait la paire avec le Traité de la médianité (Traité de la Voie du milieu) de Nâgârjuna (T.30, n°1564) : il s'appelle chûron 中論 c'est le Madhyamika. Est-ce que quelqu'un a déjà eu une traduction de ce traité ?

F M : J'ai essayé de le lire en traduction française mais c'est absolument impossible d'entrer dans ce texte. C'est très compliqué et il n'y a pas de commentaire.

Paul : Il y a une traduction en anglais avec des commentaires très intéressants.

Y O : En français c'est rocailleux et vraiment c'est déprimant.

F M : C'est abrupt et aride et moi j'ai abandonné très vite.

Y O : Simplement c'est très intéressant quand on fait la paire avec le Grand traité 大論 qu'on voit maintenant. En effet la vacuité est quand même une conception fondamentale du bouddhisme. Or le Traité de la médianité voit le côté absolument négatif de la vacuité et le Grand traité voit le côté positif de la vacuité. Autrement dit il y a deux côtés qui forment l'endroit et l'envers (ou le recto et le verso) : d'une part la contemplation de la vacuité dans la négativité pure[10] (c'est le côté de la médianité) ; et d'autre part c'est plutôt shohô jissô  法実相 (l'aspect réel de la multitude des entités) qui se compose à chaque instant dans l'interaction de tous les existants de l'univers. Donc c'est la vacuité vue de l'endroit et de l'envers, de recto et du verso. Donc c'est très intéressant de lire ensemble ces deux traités.

P F : Le Grand traité, celui dont on parle ici, apporte un autre éclairage que ce qu'on lit habituellement de Nâgârjuna sur la vacuité. On est habitués à la vacuité vue par Nâgârjuna, c'est celle qui apparaît dans le Hannya Shingyô , et non pas la vacuité vue sous un autre angle.

Y O : Justement c'est très bien ce que tu dis. Je vous pose une question (même si c'est un peu difficile de vouloir caser maître Dôgen car il est des deux côtés) : si on essaye de le caser dans l'un ou l'autre côté, quel est le côté de maître Dôgen : la contemplation de la vacuité ou l'aspect réel de la multitude des entités ? Pour moi c'est assez clair, même s'il y a le non-dualisme. Et c'est d'ailleurs ce qui est extraordinaire chez maître Dôgen à mon sens.

F A : C'est le non-dualisme mais toujours sous un aspect différent à chaque fois. Par exemple, je vois que dans le dernier paragraphe de la deuxième partie, il dit : « Sachez-le justement, ce jour où on quitte la demeure pour se faire moine transcende l'identique et le différent » mais je ne sais pas ici si le mot "transcende" convient.

Y O : Ça veut dire : « aller au-delà ». Peut-être qu'on peut changer.

F A : Dans le texte c'est plus subi que voulu tandis que le fait de transcender est un acte volontaire : dans ce non-dualisme c'est quelque chose qui arrive, qui advient, beaucoup plus qu'autre chose.

Y O : Je suis tout à fait d'accord. Simplement le sujet grammatical de cette phrase c'est « le jour », ce n'est pas l'homme.

F A : D'accord.

P F : Comment est-ce que vous vous positionnez par rapport à la question de Yoko ? Dôgen est-il plutôt un contemplatif du vide ou un contemplatif des existants ?

Y O : Tu résumes très bien la question.

F M : Moi je dirais : « du vide dans les existants ».

Paul : Moi je dirais : « les existants ». En effet Dôgen est quelqu'un qui voit les gens, qui voit le changement, qui voit le vide advenir dans les êtres.

F A : Il n'y a pas de vide sans les existants, le vide n'existe pas en soi.

Y O : Oui. « Tous les existants sont dépourvus de nature propre » ça c'est le côté négatif de Kyôgan, tandis que shohô jissô c'est vraiment la coproduction en dépendance de tous les existants.

Paul : Dôgen est évidemment philosophe mais c'est plus un maître spirituel qu'un philosophe en fait, et il ne contemple pas le vide comme un Nâgârjuna.

M P : Moi je l'ai rattaché à « Et bien qu'il en soit ainsi, les fleurs ne s’effeuillent que dans l’amour et le regret, et les herbes folles ne croissent que dans la haine et le rejet » (quatrième verset du Genjôkôan).

Y O : Absolument, c'est exactement ce que Marianne souligne.

Pierre : Paul parlait du vide dans les existants. Est-ce que Dôgen ne cherche pas à introduire dans les existants une négativité ? Le vide c'est le temps aussi, c'est l'altération.

Y O : De toute façon pour maître Dôgen c'est le non-dualisme, donc ma question est mauvaise. Mais si on est forcé de répondre, moi je suis d'accord que Dôgen est du côté poétique, visible, manifeste des choses ; mais évidemment, il y a la vacuité

 

Lecture de la quatrième partie de Shukke :

« L’Éveillé-Shâkyamuni dit : ‘Fils de bien, l’Ainsi-Venu, voyant la multitude des êtres de peu de vertu, souillés des impuretés accumulées et satisfaits des enseignements mineurs, leur prêcha : ‘’Dès mon jeune âge, j’ai quitté la demeure pour me faire moine et obtenu l’Éveil complet et parfait sans supérieur.’’ Et pourtant, c’est depuis des éons incommensurables qu’en fait, j’ai réalisé l’état d’Éveillé. Si je prêche ainsi, c’est que, grâce à cet expédient salvifique, je peux enseigner, convertir et faire entrer les êtres dans la Voie de l’Éveillé. »      

S’il en est ainsi, l’état d’Éveillé tel qu’il est réalisé depuis des éons incommensurables consiste à quitter la demeure pour se faire moine dès le jeune âge. L’obtention de l’Éveil complet et parfait sans supérieur consiste à quitter la demeure pour se faire moine dès le jeune âge. Quand on relève et triture[11] cet acte, cela revient à dire que les êtres de peu de vertu, souillés des impuretés accumulées et satisfaits des enseignements mineurs et moi-même, ensemble, quittons la demeure pour nous faire moines dès notre jeune âge. Là où l’on voit, entend et étudie la prédication : « Dès mon jeune âge, j’ai quitté la demeure pour me faire moine », on  voit l’Éveil complet et parfait sans supérieur de l’Éveillé. Quand on fait passer sur l’autre rive les êtres satisfaits des enseignements mineurs, (l’Éveillé-Shâkyamini dit) : « C’est pour ces gens-là que je prêche : ‘ Dès mon jeune âge, j’ai quitté la demeure pour me faire moine et obtenu l’Éveil complet et parfait sans supérieur.’ » Et bien que ce soit ainsi, finalement, si quelqu’un vous interroge : « Quelle est donc la vertu acquise* de quitter la demeure pour se faire moine ? »,  dites-lui alors : « Celle qui atteint le summum de soi. »                     

Y O : Un mot sur ma traduction. Le « summum de soi » correspond à un mot intraduisible. Littéralement il est à la tête et c'est au-dessus de la tête. J'ai traduit par « le summum » mais d'autres traducteurs pourront traduire autrement.

► Avec le « summum de soi » je craindrais le contresens, ça va vers l'ego

► On pourrait dire « Plus grand que soi » ou « au-delà de soi ».

Y O : « Au-delà de soi » ce n'est pas mal.

La source de la citation : le Sûtra du Lotus.

Cette partie est simple. La source c'est le Sûtra du Lotus, chapitre 16 : « La longévité de l’Ainsi-Venu » [Nyorai juryô hon 如来寿量品]. Un mot là-dessus. Le Sûtra du Lotus est "le" sûtra fondamental du bouddhisme japonais. Il comporte 28 chapitres et traditionnellement on divise ces 28 chapitres en deux parties. La première partie va du ch. 1 jusqu'au ch. 14 et elle s'appelle Shakumon 迹門 où shaku 迹 désigne la trace et mon 門désigne l'enseignement donc « l'enseignement de la trace » et on traduit souvent par « la partie dérivée » où il s'agit de l'itinéraire de l'Éveillé Shâkyamuni historique donc c'est la sphère temporelle. Et à partir du 15e chapitre jusqu'à la fin ça s'appelle honmon 本門 où hon 本 désigne l'origine, originaire, original, donc honmon  c'est « la partie originelle ». Dans notre chapitre, ce que maître Dôgen cite et qu'il commente, il s'agit de l'éveil réalisé depuis "les éons incommensurables", c'est donc dans la sphère atemporelle. Donc d'une part il y a la dimension historique et d'autre part la dimension atemporelle, originaire et originante aussi. Ce dualisme du temporel et de l'atemporel n'est pas une invention de maître Dôgen, loin de là, déjà dans le Sûtra du Lotus il y a cette formation de ce que j'appelle non-dualisme. C'est très important de voir l'articulation de ces deux parties du même soutra.

Et chaque partie a un seul chapitre central. Pour la première partie (l'enseignement de la trace) il s'agit du chapitre 2 : Hôben bon 方便品 « Les expédients salvifiques » ; et pour la deuxième partie c'est précisément le chapitre 16 : « La longévité de l’Ainsi-Venu ». La quintessence de la doctrine du Lotus est exprimée dans ce chapitre 16.

D'où la question : d'après l'expression « les éons incommensurables » l'Éveillé est l'Éveillé depuis l'éternité ; et par ailleurs il dit : « Dès mon jeune âge j'ai quitté la demeure pour me faire moine » donc apparemment c'est contradictoire. Je crois que l'essentiel est là.

P F : Dans ce chapitre 16 concernant l'enseignement originel, le Bouddha annonce une de ses ruses. Il dit : en réalité je suis éveillé depuis des éons incommensurables, mais quand je prêche, ce que je raconte aux gens, c'est que quand j'étais jeune, j'ai quitté la demeure pour me faire moine et d'un coup, ça a été l'Éveil. Et ça, ça leur fait de l'effet !

Y O : Mais justement vous avez le mot hôben 方便 (skr. upâya, les moyens habiles). C'est pour cela qu'il est important de connaître l'arrière-plan du Sûtra du Lotus.

En ce qui me concerne, cela me rappelle le baptême de Jésus parce que, pour nous les croyants, il est le fils de Dieu, il est Dieu, et pourtant il reçoit le baptême de Jean-Baptiste. Pourquoi est-il nécessaire qu'il reçoive le baptême de la part d'un homme ? C'est la même logique.

P F : C'est la même ruse !

Paul : Mais c'est aussi un peu pour ça qu'on fait des cérémonies, c'est pour déclarer quelque chose. Se faire moine c'est déclarer, affirmer quelque chose, même si à l'intérieur on l'a vécu déjà avant : au moment où on le dit, on le fait apparaître. Je pense que c'est un peu le sens de ceci.

Y O : Absolument. C'est très beau je trouve.

P F : Ici Dôgen démythifie un peu toute la procédure de l'ordination des moines en parlant comme ça.

Y O : Ah bon, tu l'interprètes comme ça ? Pourquoi pas.

P F : Il présente comme un moyen habile utilisé par l'enseignant : le fait de présenter shukke (quitter la demeure pour se faire moine) comme quelque chose de fantastique. De tenir ce discours, c'est un moyens habiles pour que les êtres satisfaits des "enseignements mineurs" passent vers l'autre rive. Donc c'est un discours qui a une vertu opérationnelle pour stimuler les gens. Ce n'est pas en soi une valeur, de quitter la maison pour se faire moine.

Y O : Simplement, le moyen habile ce n'est pas « faire semblant de ». Je ne crois pas. Ce n'est pas une ruse apparente, ce n'est pas dans la surface.

P F : D'accord c'est une réalité et « je la mets en exergue pour réveiller un peu les gens ».

Enseignements mineurs ou choses insignifiantes ?

M P : Au sujet de la traduction de shôbô 小法: « les êtres satisfaits des enseignements mineurs », dans la note vous mettez qu'on aurait pu aussi dire « les êtres qui se satisfont des choses [hô 法] insignifiantes [shô 小] » et vous précisez que les enseignements mineurs sont ceux du petit Véhicule opposés à ceux du grand Véhicule. Et je voulais savoir pourquoi vous avez choisi la première formulation ?

Y O : C'est simplement pour situer le discours dans un sens plus doctrinal : si je mets « choses insignifiantes » c'est plus global. S'il y a deux possibilités de traductions, je fais l'option qui permet de se situer plutôt dans le discours doctrinal où on distingue "les enseignements mineurs" et "l'enseignement qui vient après". Est-ce clair ?

M P : Oui, mais je trouve que ça restreint beaucoup.

Y O : Chaque choix est un abandon ! « Insignifiant » me semble un peu vague.

M P : Insignifiant ça pourrait désigner la vie de tous les jours, sans que les gens soient pour autant déjà engagés. Parce que « ceux qui se satisfont des enseignements mineurs » ce sont des gens qui sont engagés dans un chemin bouddhiste qui est présenté comme mineur (en plus c'est le chemin du Hinayâna), donc ce sont des gens engagés vers l'Éveil, c'est déjà spécialisé.

Paul : Pour continuer dans ce que tu dis, est-ce qu'il n'y a pas aussi, sous-jacent, la distinction entre les "bouddhas pour soi"[12] et le reste. Là il dit : cette ordination de moine c'est "le bouddha pour les autres" et pas seulement pour faire pour soi-même son petit parcours d'éveillé. Je vois plutôt ça dans cette dimension plutôt que dans la dimension : « Je montre l'exemple et les autres vont me suivre ». C'est plutôt dire : même quand on est éveillé, prendre l'ordination c'est cette Voie-là : on n'est pas éveillé juste pour soi.

Y O : C'est ça, voilà. Merci beaucoup.

 

Deuxième partie : Quelques termes

 

Il y a beaucoup de termes que j'aimerais vous communiquer, mais comme le temps est limité, ça va être un peu sélectif. De toute façon l'année prochaine il y aura encore d'autres séances. Au moins j'aimerais que vous connaissiez  un petit peu le sens étymologique des termes que vous utilisez presque tous les jours dans le zen sôtô.

Shukke et zaike on a déjà vu.

Pour la prononciation j'ai déjà dit que dans le système hepburn quand on écrit rôshi, on ne prononce pas comme en français, car en réalité dans la langue japonaise le "r" n'existe pas : il se prononce comme un "l". Donc on prononce "lôshi".

1) Rôshi 老師 :  

老 veut dire "vieux" et shi 師 c'est maître. Donc le rôshi c'est le vieux maître.

► Est-ce que c'est une histoire d'âge ou une histoire d'ancienneté ?

Y O : C'est plutôt l'ancienneté : on peut être jeune et être rôshi. Le rôshi est censé être vieux dans son enseignement.

2) Kyōshi 教師 :

Vous avez déjà entendu ce mot. Kyô 教 veut enseigner, donc kyôshi c'est l'enseignant. Et pour les Japonais c'est un terme plutôt administratif, alors que rôshi c'est un terme proprement religieux, on ne l'utilise que dans le bouddhisme ; tandis que kyôshi c'est pour tout le monde.

3) Sensei 先生,

► On l'utilise pour Deshimaru (1914-1982).

Y O : Pour les Japonais, sensei est un mot qui a une sonorité assez enfantine. En effet c'est un terme utilisé de façon générale, mais surtout par les écoliers appellent la maîtresse : «Sensei ». Quand les Occidentaux prononcent ce mot, par exemple à propos de Deshimaru, ça fait sourire les Japonais.

Le sens propre de ce mot : sen 先 c'est "avant", et sei 生 c'est "naître". Donc : « celui qui est né avant ».

Pascale : Pour sensei à propos de Deshimaru, je ne suis pas d'accord avec vous parce que quand il est arrivé ici en 1967 en apportant le zen, il avait affaire à des jeunes gens indisciplinés, et du coup c'est cohérent. C'était la naissance de quelque chose de nouveau comme à l'école.

Y O : Je suis d'accord. Simplement, les Japonais mêmes adultes utilisent le mot sensei avec une nuance à la fois affective, et à propos de quelqu'un qui est supérieur à moi, qui veut bien me guider… mais c'est enfantin.

Pascale : Vous avez dit qu'on ne pouvait pas trop l'employer pour maître Deshimaru.

Y O : Je n'ai pas dit qu'on ne pouvait pas l'employer, j'ai dit : « Ça fait sourire les Japonais ».

P F : C'est une relation de dépendance en fait, comme la relations parent-enfants, qui est établie par ce terme.

Y O : C'est "gentil".

4) Zenji 禅師.

Dans ce mot deuxième kanji shi 師 devient sonore [ji = shi, maître]. C'est donc « le maître zen ». Actuellement dans l'école Sôtô japonaise il n'y a que deux moines qui peuvent avoir ce titre zenji[13].

P F : Les patrons de Eihei-ji et de Sôji-ji.

Y O : Voilà. Il y a deux grands patriarches, d'où deux zenji, c'est tout.

► C'est plutôt administratif alors ?

Y O : Non c'est très religieux et extrêmement respectueux : on se prosterne.

P F : C'est comme le Pape.

Y O : Voilà !

5) Oshô 和尚.

Le sens littéral du premier kanji o 和 (autrement prononcé wa) c'est l'harmonie ; et le deuxième kanji c'est « haut-de-gamme » donc littéralement oshô c'est « l'harmonie haut-de-gamme », et en pratique, c'est le maître de la vie. C'est-à-dire que tu reçois de lui le shihô[14] (嗣法) et c'est ce maître-là qui te guide jusqu'à la fin. Ce n'est donc pas n'importe quel maître parce que, quand on pratique le zen, on peut avoir plusieurs maîtres selon l'itinéraire. Et pour maître Dôgen oshô c'était maître Nyojô.

P F : Ce terme nous a été rendu familier par un maître japonais disciple de Kôdô Sawaki qui a dit en arrivant : « Ne m'appelez pas sensei, c'est trop d'honneur, appelez-moi juste oshô ». Il disait que oshô était une façon de dire « enseignant ».

Y O : Mais c'est l'inverse !

P F : Je comprends la ruse !

6) Des termes qui désignent l'abbé :

a) Jûji 住持.

Y O : Ce mot désigne l'abbé, on l'a déjà vu. C'est un terme métaphorique en ce sens que le premier kanji 住 signifie "habiter" et que le deuxième kanji 持 signifie "maintenir". Donc littéralement l'abbé du temple est celui qui habite et maintient s. e. le monastère ou le temple.

b) Hôjô 方丈.

C'est un deuxième terme qui désigne également l'abbé. Les Japonais aiment bien mettre le suffixe de politesse "san" d'où hôjô-san. C'est un terme métonymique en ce sens que hôjô désigne initialement la résidence personnelle de l'abbé à l'intérieur du monastère.

Du point de vue étymologique : 方 veut dire carré et 丈 est une unité de mesure équivalente à 3m 30. Peut-être qu'autrefois l'endroit où l'abbé demeurait, était un petit carré. En tout cas la résidence personnelle de l'abbé s'appelle hôjô. Et de la même manière que vous dites : « L'Élysée a dit que » ou « Matignon a dit que » en sous-entendant que l'Élysée désigne le président et que Matignon désigne le premier ministre. Ici c'est le même système.

c) Bôzu 坊主 .

Ce terme désigne aussi l'abbé : bô désigne étymologiquement un petit temple en dépendance d'un grand temple ; et zu c'est le maître. Donc bôzu c'est le maître d'un petit temple (bonze en français). Et c'est un terme qui s'utilise au Japon. Mais je vous déconseille de l'utiliser parce que ça a pris un sens très péjoratif. En effet les "moines" (entre guillemets) au Japon ont un statut problématique : le bôzu c'est celui qui ramasse de l'argent. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi Malou, vous qui êtes japonaise ?

Malou : Oui…

Y O : Par contre ô bô san お坊さんoù on a mis le préfixe et le suffixe de politesse désigne les moines en général et c'est ce terme qu'utilisent les Japonais dans la majorité des cas puisque quand on dit bôzu c'est péjoratif.

7) Godô 後堂.

J'ai déjà expliqué le sens littéral de ce terme : c'est celui qui est à l'arrière (go 後) de la salle (dô 堂). Il s'agit de la salle de méditation, de la salle des moines. D'après les livres que j'ai lus, dans les monastères construits selon la norme zen, il y a l'entrée et la sortie et godô se situe du côté gauche de la sortie qui se trouve à l'arrière de la salle.

Le godô s'assied à droite de l'unique entrée, c'est le maître.

Paul : Je dirais plutôt que c'est l'enseignant c'est-à-dire que le godô d'une seshin c'est celui qui fait l'enseignement. C'est une fonction.

Y O : Généralement le godô est celui qui guide les pratiquants.

8) Tantô 単頭.

Dans la terminologie zen, le tantô est celui qui seconde le godô.

Le second caractère 頭 c'est la tête (et en français un peu vieillot, le chef, c'est la tête).

Pour comprendre le premier caractère tan il faut se placer dans un monastère au Japon : en France on est assis sur des tatamis mais dans les monastères zen au Japon, dans la salle de méditation, il y a plusieurs estrades et sur ces estrades sont placés les zafu 座蒲[15]. Chaque zafu a un propriétaire, donc chaque moine a telle ou telle place : cette place-là s'appelle tan. Donc tan c'est la place sur l'estrade.

 

estrade rinzai

 Ces reproductions sont tirées de deux livres, vous y voyez  deux exemples de disposition : au-dessus un dessin humoristique du  rinzai[16] et au-dessous disposition sôtô[17] :

 

estrades

C'est pourquoi quand on commence ango qui dure trois mois on dit kaitan : kai c'est ouvrir et tan c'est l'estrade, donc c'est « l'ouverture de l'estrade » autrement dit le commencement de ango. Et à la fin des trois mois de retraite c'est heitan : « fermeture de l'estrade ».

Donc le mot tan 単 est très important pour les pratiquants zen : chacun a son tan, chacun a sa place.

Ango 安居 : an 安 veut dire la quiétude, la paix ; go 居 c'est demeurer. Donc ango c'est demeurer dans la paix.

Tantô c'est donc le chef de l'estrade. Est-ce que c'est celui qui répartit les places ou celui qui se met en tête de ligne ?

Y O : C'est plutôt le chef de l'ensemble de la salle, un peu l'adjoint de godô. C'est-à-dire que godô est vraiment le chef mais pour les détails, pour guider et diriger chaque pratiquant, c'est tantô qui s'en occupe.

9) Shusô 首座.

Shusô c'est celui qui prêche la place de l'abbé surtout pendant l'ango.

Shu 首 c'est le cou littéralement, donc c'est la même chose que la tête ; so 座 c'est le siège, donc shuso c'est le siège du chef : shuso c'est celui qui s'assoit à la place de l'abbé comme chef pour prêcher.

► Donc hiérarchiquement il est au-dessus de godô ?

Y O : Ce sont deux fonctions différentes parce que godô c'est dans le quotidien, donc tout le temps, alors que shuso c'est pendant l'ango. Et shuso c'est plutôt à propos de la prédication alors que godô c'est plutôt au niveau de la direction.

Paul : Nous employons godô là où on devrait dire shuso, car pour nous shuso s'occupe surtout des aspects matériels.

P F : Il y a des variantes.

Y O : Ce n'est pas simple. Et puis aussi on peut appeler shuso le premier disciple de l'assemblée. Mais shuso n'est pas tout le temps là, c'est vraiment pendant l'ango.

10) Inô 維那.

I 維 veut dire gouverner et 那 vient du terme sanscrit karmadâna, on a simplement pris le son "na" puis ina est devenu inô. Inô désigne le gouverneur, celui qui supervise le temple ou le monastère.

P F : Chez nous le inô guide tout ce qui a trait au son et aux cérémonies.

Y O : Ce n'est pas possible, ça !

Paul : Inô est un terme qu'on trouve plusieurs fois chez Dôgen.

Y O : Oui, inô est un grand monsieur. Il s'occupe de l'ensemble de la sangha : c'est la direction, il est le directeur de la formation. Et je pense qu'inô est au-dessus de godô. En effet dans les monastères zen il y a six administrateurs[18] et je crois que inô est dedans.

Paul : Oui, il est dedans. J'étais en train de lire Tenzo Kyôkun (典座教訓) de Dôgen (Les instructions au cuisinier zen) et il parle de l'ino. Mais dans les traductions que j'ai vues, inô était plutôt le chef des moines.

Y O : On peut dire ça aussi.

► Mais alors il y a le chef des moines, il y a le responsable du samu, il y a l'intendant, le cuisinier etc.

Y O : Oui, le cuisinier est aussi parmi les six grands administrateurs, donc inô est au même niveau. Et c'est très haut.

11) Tenzo 典座.

Vous connaissez tous, tenzo c'est le cuisinier. Mais le sens littéral de ce mot n'est pas du tout cuisinier : zo 座 comme dans shuso 首座, c'est le siège : et ten 典 veut dire littéralement en tant que substantif « la norme » est en tant que verbe « gouverner », donc c'est celui qui est placé au siège du gouverneur, donc parmi les six administrateurs (dont ino). C'est donc quelqu'un de très important. À la limite, c'est tenzo qui détermine la place du repas, les sièges… Mais il faut vérifier.

12) Enzu 園頭.

C'est peut-être un terme moins fréquent : en 園 désigne le jardin et en l'occurrence le jardin potager ; zo 頭 c'est le chef. Donc enzo c'est le chef du jardin potager.

13) Shamon 沙門.

C'est la transcription phonétique de samana en pali et çramana en sanscrit comme je l'ai écrit dans le guide de travail, ça désigne un moine. J'ai écrit ce mot parce que maître Dôgen aime beaucoup : quand il signe c'est "shamon Dôgen".

14) "Défunt maître".

Paul : Il y a un terme qui m'a beaucoup intrigué : quand Dôgen parle de Nyojô il dit : « mon défunt maître ». Ça traduit quel terme japonais ?

Y O : Je pense que c'est senshi 先師 où le sen 先 est le même que dans sensei, donc c'est "le maître qui est né avant moi", donc en quelque sorte c'est "l'ancien maître".

Paul : En français "ancien maître" ça veut dire qu'il n'est plus son maître, donc ça ne correspond pas à "défunt maître".

F M : Oui. "Défunt" n'irait pas non plus. Peut-être "mon premier maître" ?

Y O : Non, parce que par exemple maître Dôgen a eu trois maîtres et maître Nyojô est le maître définitif.

Paul : Moi je dirais "mon maître vénéré".

Y O : C'est vraiment "le maître de ma vie".

Voilà pour les termes principaux il y en a beaucoup d'autres termes notamment en transcription phonétique à propos des moines, j'en ai mis dans le guide de travail.

Récapitulatif de ce qui concerne le monastère.

Je vais vous donner un petit récapitulatif des termes concernant la vie monastique. Le monastère zen a une structure très bien ordonnée.

1) L'Abbé s'appelle le plus souvent Jûji 住持. On a vu que jûji est celui qui habite et maintient le temple.

À l'intérieur du monastère zen il y a la résidence personnelle de l'abbé. Éventuellement c'est simplement une petite chambre mais par exemple autrefois maître Nyojô avait un grand appartement où il recevait l'empereur. Cette résidence s'appelle Hôjô 方丈 et elle peut désigner également l'Abbé par emploi métonymique.

Dôtô 堂頭 est un troisième terme pour désigner l'Abbé c'est. Dô 堂 désigne la salle, ça peut être la salle de l'Éveillé, la salle des moines, la salle de la prédication mais ça peut également désigner l'assemblée du monastère. 頭c'est le chef donc dôtô désigne le chef du monastère.

Ces trois termes sont synonymes, ils désignent tous l'Abbé, et il y a aussi d'autres termes.

2) Ensuite on distingue deux domaines : la pratique et l'administration.

A) Le domaine de la pratique (Shûgyô 修行)

Celui qui vient tout de suite après l'Abbé c'est  Godô 後堂. Je vous ai expliqué que 後 c'est en arrière et que 堂 c'est la salle, donc ça peut désigner quelqu'un qui est à l'arrière de la salle. Mais on peut entendre ce mot 後 comme "derrière" donc "adjoint" et gôdô est alors celui qui est derrière l'Abbé dans les monastères. Alors Gôdô est l'adjoint de l'Abbé.

Celui qui seconde Gôdô c'est Tantô 単頭 où tan 単 désigne d'estrade et 頭 c'est la tête. Donc Tantô c'est le chef d'estrade.

Et pendant la longue retraite de trois mois l'ango, le premier disciple de l'assemblée c'est Shuso 首座. 

B) Le domaine de l'administration (Un ei 運営)

Il y a 6 administrateurs (roku chiji 六知事), roku 六 c'est six, et chiji 知事 veut dire administrateurs :

– À la tête de ces 6 administrateurs il y a Tsûsu都寺 l'administrateur général : le kanji 寺 qui désigne le temple ou le monastère se prononce généralement ji mais ici il se prononce su ; et tsû 都 veut dire la totalité.

Kansu監寺est l'administrateur général adjoint, il s'appelle aussi Kan nin 監院.

– Fûsu 副寺 est l'économe : 副 veut dire secondaire et su 寺 c'est le temple.

– Shitsusui直歳 est le responsable du travail et du samu (shitsu 直 et sui 歳).

 – Tenzo典座 c'est le cuisinier. Je vous ai expliqué que le sens étymologique et littéral  de tenzo n'est pas du tout cuisinier, mais puisque ten 典 veut dire norme et que zo 座 c'est le siège, c'est celui qui est assis pour superviser la norme. En fait c'est devenu synonyme de cuisinier, d'où son importance.

– Enfin Inô 維那 est le responsable de la salle des moines mais dans le domaine administratif.

 

1 structure monastère

 

Être moine bouddhiste aujourd'hui en Europe.

Il ne reste presque plus de temps. Or j'aurais aimé réserver 20 mn pour la discussion sur les moines. On peut lire simplement les quatre questions pour préparer la rencontre du 1er juin.[20]

 


[1] Yoko a modifié légèrement cette phrase en déplaçant le mot grand qui auparavant était attribué à la sagesse.

[2] Mention importante : dans l’acte de quitter la demeure pour se faire moine [shukke 出家], le profit de soi [jiri 自利] trouve sa plénitude « au profit des autres » [rita利他], si bien que, dès le premier pas, celui qui s’engage dans la Voie en tant que moine ou nonne, dépasse le dualisme de moi et de l’autre.

[3] [San-asogikô三阿僧祇劫] (skr. tri-kalpa-asamkhyeya), il s’agit d’un temps immensément long pour qu’un être d’Eveil devienne un éveillé ; ce temps peut être divisé en trois parties. Cf. Glossaire « 52 étapes ».

[4] Le mot rarô 籮籠 traduit, au sens figuré, par les « entraves » désigne littéralement les « filets » [ra籮] et la « cage » [rô籠] que l’on utilise pour prendre les oiseaux.

[5] Voir aussi le message "Nature et Shôbôgenzô" où figurent la métaphore filée de la végétation, et en particulier d'autres mots avec nen : c'est à la page 9 des fichiers qu'on trouve à télécharger sur ce message. Le message est accessible dans le menu déroulant "Compléments", case "synthèses", ou directement par le lien suivant : http://www.shobogenzo.eu/archives/2013/02/10/26381533.html  .

[6] Ici, c'est shukke 出家.

[7] [Butsuke 仏化] ; le caractère ke 化, traduit par « transformation », peut être aussi traduit par « conversion, édification », etc.

[8] C’est le caractère 法qui est traduit ici par la « règle ».

[9] Utpalavarna, (Couleur du Lotus Bleu), fut, dans sa première vie, une prostituée qui avait l’habitude de porter des vêtements raffinés. Un jour, en guise de plaisanterie, elle revêtit le kesa. Ce geste désinvolte lui valut des mérites si grands que dans sa vie suivante, elle connut le Dharma du bouddha Kasyapa et devint une bhiksuni. Dans sa troisième vie, elle rencontra le Bouddha Shakyamuni et devint un grand arhat, maniant aisément les six pouvoirs (dont celui de mettre fin à toute chose inutile) et les trois types de connaissances. Il est écrit dans le Sutra de Jataka, qu’Utpalavarna encouragea les femmes nobles à abandonner leur vie de famille pour suivre la Voie de Bouddha, même si elles ne pouvaient pas respecter les préceptes. Cette histoire légendaire est relatée par Dôgen dans le Kesa Kudoku du Shobogenzo. (Bulletin de l'AZI, Juin 2001).

[10] « Tous les existants sont dépourvus de nature propre ».

[11] [Konen 挙拈].

[12] Allusion à la différence qu'il y a entre le pratyeka-buddha (bouddha pour soi) et le bodhisattva.

[13] L'école rinzai, elle, comporte actuellement quatorze ou quinze branches dont chacune est dirigée par un monastère ou un temple principal. Elles sont connues par le nom de leur temple. Elles n’incarnent pas des divergences idéologiques ou pratiques fondamentales, mais des lignées d’ordination.

[14] Dans le Bouddhisme Zen, la tradition veut qu'un enseignant transmette à un moment ou à un autre son "Dharma" à son disciple. Cette transmission est attestée par un document formel nommé Shihô. Au plan mythologique, cette transmission survient quand l'élève a atteint un niveau de réalisation identique à celui de son maître. En réalité, et ce depuis les temps les plus anciens, divers facteurs peuvent intervenir pour justifier cette transmission. La réalité est très compliquée, c'est très différent dans le Sôtô et le Rinzai. Pour plus d'informations voir le site http://www.zen.wikibis.com/shiho.php   Par ailleurs à la mort de maître Deshimaru il y a eu problème car il n'avait donné le shihô à personne : cf http://zen-nice.org/enseignements/mondo/certifier.htm.

[15] Le zafu est un coussin rond, d'environ 35 cm de diamètre et 17 cm de haut. Les zafu contemporains sont en tissu fort, généralement noir, et comportent trois pièces cousues : deux fonds circulaires et un grand rectangle qui les relie en formant des plis. Ils sont le plus souvent remplis de kapok et on peut ajouter ou enlever du kapok suivant sa morphologie et sa souplesse.

[16] Ce dessins est extrait du livre de Giei SATÔ Journal d'un apprenti moine zen, éditions Philippe Picquier 2012, p.144. Avec François nous sommes allés au Ryutaku-ji, un monastère rinzai près de Mishima, la disposition du centre du zendô (la salle de méditation) était exactement celle qu'on voit sur le dessin, et il y avait derrière, de chaque côté, deux autres estrades où nous, visiteurs, nous faisions zazen. Les moines demeurant au monastère avaient toutes leurs affaires (entre autres la série de bols pour manger ou boire le thé) sur l’étagère derrière leur place, et, le soir ils étendaient leur futon pour dormir sur place. C'est très bien décrit et dessiné dans le livre de G Satô. (C M )

[17] Dessin extrait de Short zen stories : "The sound of the bell", trouvé sur la page : http://global.sotozen-net.or.jp/eng/library/stories/book8.html

[18] Voir le schéma donné par Y Orimo lors de la séance suivante et mis à la fin de ce fichier.

[19] Ce récapitulatif a été fait lors de la séance suivante du 8 avril.

[20] Voir le guide de travail et les messsages qui sont dans le tag "moine" : annonce de la conférence du 1er juin, message d'un moine zen  Guillaume Tachon.

 

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