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Ateliers d'étude du Shôbôgenzô avec Yoko Orimo
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Ateliers d'étude du Shôbôgenzô avec Yoko Orimo
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27 mars 2013

Un moine zen en France

 

Voici un message de Guillaume Tachon moine zen qui décrit ainsi son itinéraire :

Après avoir obtenu mon diplôme de l'école de commerce de Nancy en 2008, j'ai décidé de me consacrer entièrement à la pratique du zen et j'ai emménagé à la Gendronnière en janvier 2009. J'ai fait un ango de formation de trois mois en 2012 au temple de Shogoji au Japon et j'ai quitté la Gendronnière en décembre 2012. Je vis actuellement à Blois où je travaille comme encadrant maraîcher aux Jardins de cocagne.

J'ai 28 ans et suis moine zen depuis 2 ans

 

Un moine zen en France, quelques pistes de réflexion

Très brièvement, en Occident la notion de moine vient entre autres des premières communautés de chrétiens qui se sont regroupés à partir du quatrième siècle dans la région du Proche Orient pour mener une vie commune en suivant une règle précise (règle de saint Pacôme, règle de saint Benoit etc). Pour plus d'informations à ce sujet voir : http://www.shobogenzo.eu/archives/2013/03/27/26748399.html" 

Dans la tradition bouddhiste primitive, le pratiquant qui souhaite s'engager pleinement devient bikkhu - qui vit de mendicité - il quitte son foyer, se rase le crâne et mène une vie errante en s'attachant à suivre les règles du vinaya. Le chan chinois et le zen japonais ont progressivement abandonné les règles du vinaya jugées trop contraignantes : les pratiquants suivaient les dix préceptes majeurs et les 49 préceptes mineurs ; ils pouvaient vivre soit en monastère, soit comme moines mendiants.

Or ceux qui portent le titre de moine zen à l'heure actuelle (et dont je fais partie) n'ont rien de commun avec cela : les moines zen modernes en Occident vivent en grande majorité en société et en famille. Le système bikkhu (ou shukke, au Japon) est à mon sens une distinction sociale, la dénomination d'une catégorie avec des règles de vie bien précises, des coutumes, des marques physiques (kasaya, crâne rasé). Par conséquent la spécificité d'un groupe social se reconnaissant au travers de rites et de règles communes ne correspond pas à notre manière de pratiquer.

Au Japon, un pratiquant désireux de s'engager dans la voie a le choix entre deux possibilités :
- Effectuer la prise de refuge, la cérémonie du repentir, la cérémonie des dix préceptes et demeurer au sein de la société : il sera alors un laïc pratiquant, ce que nous nommons un bodhisattva. Cette cérémonie se nomme zaike tokudo.
- Ou bien il peut choisir de quitter la vie sociale et s'engager dans l'ordre du zen soto : la cérémonie est alors sensiblement la même et s'appelle shukke tokudo. Dans ce cas, il passera un temps plus ou moins long en monastère où, au bout de six mois de formation au minimum (généralement cela prend un ou deux ans), il accomplira automatiquement les cérémonies d'hossenshiki (shusso), shiho (transmission) et zuise (inscription dans la lignée) puis obtiendra le titre de kyoshi (enseignant). Il pourra alors reprendre un temple de famille (90% des moines sont fils de moine) dont il gérera le quotidien en assurant les services de prêtrise (célébrations mortuaires, etc) et de conseils spirituels de la même manière qu'un prêtre catholique en France. Il peut également choisir de rester en monastère.

Dans l'A.Z.I., les ordinations de bodhisattva puis de moine sont successives. Ces étapes reflètent une gradation dans l'engagement d'un pratiquant sur la voie bouddhique mais c'est une invention récente qui existe surtout parmi les héritiers de maître Deshimaru. Or ces deux voies ne sont pas graduelles mais parallèles.
Bien que le moine zen moderne japonais ne suive ni le vinaya ni même la majorité des préceptes, il a un rôle social, une position reconnue. Il appartient à une catégorie socio-professionnelle bien distincte au sein de la société japonaise.
Mais rien de tout cela en France

D’où la problématique identitaire qui m'anime : mon ordination de moine n'a aucun sens en tant que telle car elle symbolise mon appartenance à un groupe social, l'ordre du zen soto, dans lequel je ne me reconnais pas. Pour moi, seule la prise de refuge et la cérémonie des préceptes ont une signification claire, réelle et profonde pour un pratiquant actuel.

Ne pourrait-on pas envisager de remettre au centre la prise de refuge comme étant un aboutissement en soi de la pratique sans qu'il soit nécessaire de devenir moine pour être reconnu comme un "vrai pratiquant" ?

Ne sommes-nous pas en train de créer une sorte de nouveau statut à mi-chemin entre le laïc et le monastique ? Ne serait-il pas intéressant de réfléchir au sens de la pratique dans notre vie quotidienne à partir de cette vision ?

Ne pourrait-on pas étudier le système du lama tibétain qui me semble parfois plus pertinent pour décrire la pratique de nombreux moines ou nonnes zen en France ?

Une autre problématique me touche personnellement : petit à petit se forment des communautés en France mettant le zazen, le samu et les rites du zen soto au centre de leur vie. Des centres tels que Kanshoji en Dordogne ou Fudenji en Italie ne m’intéressent pas vraiment car ils tentent de calquer le système japonais.

Le temple zen bouddhiste de la Gendronnière, qui n'est pas, jusqu'à présent, un monastère typique du zen soto mais plutôt un exemple de vie communautaire basée sur la pratique du zazen et du travail, pourrait en revanche être un laboratoire extrêmement intéressant pour la pratique du bouddhisme zen en France.
Car en effet, comment répondre aux vocations de ceux qui souhaitent s'extraire d'un mode de vie ordinaire insatisfaisant, mettre la pratique du bouddhisme au centre de leur vie sans pour autant adhérer à un mode de vie monastique stricte qui in fine est réservé à une élite et à un profil de gens très particuliers ?

La réflexion sur notre identité de moine ne doit-elle pas s'accompagner d'une réflexion sur le sens du "vivre ensemble" en tant que pratiquant du zen ? En mettant de coté cette « barrière » du moine, en réfléchissant profondément à ce que signifie le sentiment religieux et comment le manifester dans une vie communautaire, en se recentrant sur la pratique du recueillement assis et du travail désintéressé, il me semble que l'on pourrait créer une dynamique autrement plus intéressante que ce qui se fait actuellement.

 Nous pourrions imaginer un rythme à plusieurs niveaux avec des personnes qui vivraient sur place en payant un loyer tout en continuant d'exercer à temps plein une activité professionnelle à l’extérieur et sans avoir à suivre le rythme de vie communautaire dans sa totalité - la pratique du zazen quotidien devant bien sûr rester le ciment liant tout le monde. D'autres qui pourraient utiliser les infrastructures sur place telles que le four à bois, les champs de blé et le moulin ou bien le potager ou encore la forêt et les outils d'abattage afin de fournir des biens à la communauté et de vendre les surplus leur permettant d'avoir un apport d'argent décent. D'autres enfin pourraient vivre sur place à temps plein et gratuitement, assurer le service du quotidien et être soutenus financièrement par les actifs qui travaillent à l’extérieur.

Ce ne sont que quelques exemples, les modalités organisationnelles sont nombreuses et il ne tient qu'à nous de les imaginer.


Il me semble que la notion de moine est aujourd'hui peu pertinente car génératrice d'illusions vis-à-vis de la société civile et surtout vis-à-vis de nombreux pratiquants. Il m'apparait nécessaire de nous recentrer sur ce qui fait les fondements de notre pratique et de créer à partir de cette connaissance au lieu de vouloir sans cesse copier ce qui se faisait dans les temps anciens.


                                                                                                                             Guillaume Tachon

 

Commentaires
E
+1 avec Laurent. Toute l'histoire des conciles bouddhiques et chrétiens (et autres!) n'est qu'une longue histoire de condamnations mutuelles entre "orthodoxes" et "hétérodoxes / hérétiques". Toutes les "traditions", dans toutes les religions, se sont toujours fondées sur un savant mélange d'arguments d'autorité, de textes apocryphes et d'autres "moyens habiles". Seules les versions qui arrangent le mieux les pouvoirs en place reçoivent leur appui. C'était déjà comme ça il y a 2000 ans et c'est toujours pareil de nos jours, y compris en ce moment même au Moyen Orient. Ce fut probablement le cas aussi à l'époque d'Ashoka, quels que furent ses mérites. Toutefois, à toutes ces époques, il est toujours resté des contestataires qui résistaient à la pensée unique. Mais peut-être ne serais-je qu'un autre prétentieux mécréant d'occidental, destiné aux flammes de l'enfer bouddhique? Même pas peur! Bises à tou(te)s ;-)
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L
C'est très intéressant cette question de la construction mentale. On dirait que c'est une exclusivité occidentale, et que les bouddhistes théravadins vivent dans la seule réalité qui soit viable, connaissent le seul modèle valable de bouddhisme, la seule vérité vraie du vrai dharma, et que tout le reste puisse être balayé d'un revers de manche au nom de l'hérétique construction mentale (après tout, pourquoi pas, c'est tellement mieux de refuser le risque de penser une pratique que de tenter de la comprendre).<br /> <br /> Cela dit, autre question pour moi : si ce modèle est si universel, comment se fait-il qu'il est si peu adopté et soulève tant de questions voire de résistances?<br /> <br /> Ce qui me frappe dans l'histoire racontée du bouddhisme, et du Bouddha, c'est que l'intéressé n'a laissé aucun écrit. Mais que toutes les traditions ont toujours un argument qui vient du fondateur lui-même. C'est assez génial comme procédé rhétorique!<br /> <br /> Alors malgré vingt ans dans le zen et qu'on nous ait seriné que la vérité est au-delà des écritures, une lecture historique des choses ne me paraît pas indécente, ni d'assumer ma culture pleinement influencée de partout par un conditionnement judéo-chrétien (qu'on ignore tellement et que connaître fait partie pour moi d'une réelle investigation du dharma au sens pratique bouddhiste du terme).<br /> <br /> Et donc je ne vois aucune preuves écrites de la création d'un ordre monastique proprement dit par le Bouddha. On en parle surtout de fait, dans les sutras. Avec des codes aussi rigides. Il y a eu de 200 à plutôt 400 ans avant la production des premiers écrits, récupérer l'histoire et la raconter comme ça arrange, me semble plus plausible. On a bien fait de Jésus le boss d'une entreprise patriarcale appelée Eglise, alors qu'il était ouvert à la présence des femmes et à plus d"égalité sociale, je subodore fortement que la mise au ban d'Ananda en discréditant son image (oui, celui qui a fait entrer les femmes dans la communauté), pour mettre en avant Mahakasyapa l'austère, satisfaisait plus une bonne rebrahmanisation du bouddhisme en bonne et dûe forme, avec un bon système patriarcal masculin, et plein de règles pour le contrôle. J'ai assisté au même type de phénomène dans le zen en France, on a vu ce que ça donne en vingt ans.<br /> <br /> Et toutes les lignées bouddhistes, que ce soit tibétain, zen, theravadin, me semblent éminemment patriarcales, hormis certains laïcs et yogis qui sont là la marge du système (et à mon sens c'est plus sain!). Lire le témoignage de Vickie Mc Kenzie sur sa retraite au Tibet, où elle raconte la mysoginie des monastiques, et au contraire la tolérance et l'ouverture des ermites yogis.<br /> <br /> Donc il ne s'agit nullement d'adapter une pratique aux occidentaux : si elle est universelle, elle doit marcher. Si ça ne fonctionne pas si bien chez nous, c'est qu'il y a un problème réel. Et identifier le bouddhisme à un modèle monastique où une frange de la population vit en dépendance de dons, où l'on doit avoir quand même des laïcs qui vivent dans le non renoncement afin de procréer et travailler pour faire naître de futurs moines et nonnes et leur donner à manger, me semble relever d'un équilibre social qui à mes yeux pose sacrément question sur le modèle dont il s'agit. Notamment sur le caractère universel de ce modèle, et son "adaptabilité".<br /> <br /> Et 2500 de reproduction d'un modèle qui a quoi qu'il en soit subi des transformations dès qu'il a quitté sa zone géographique d'influence, donné lieu à de grandes diversités et aussi pratiques laïques (peu connues car souvent squeezées par les gros système monastiques qui sont, il faut le dire, de gros business financiers), c'est à dire en gros tout sauf un modèle unique, cela signifie que ce qu'on appelle bouddhisme n'a rien d'une réalité univoque, mais est très hétérogène. Ce qui veut dire que l'expérience dont parle un pratiquant du théravada est souvent une autre langue que celle dont parle un pratiquant du vajrayana ou encore du zen, sans parler d'un bouddhisme chinois de la terre pure, ou d'autres encore.<br /> <br /> Alors forcément, quand ça heurte de plein fouet un autre contexte socio-culturel, ça pose une question, forcément : les orientaux sauraient-ils quelque chose mieux que nous?<br /> <br /> Pour ma part, il n'y aura aucune réponse sans un vrai dialogue, une vraie mise en perspective des ces cultures différentes, ces modèles différents. Et sans concessions de part et d'autre. Comme dans toute expérience de la vie réelle (travail, couple, famille), qu'étonnamment le modèle monastique tend à vouloir considérer comme un obstacle à l'éveil, quand on le lit littéralement.....alors qu'à mes yeux c'est là que l'essentiel du boulot est à faire.<br /> <br /> Comme l'écrit Guillaume, la distinction moine-laïc devrait être abolie (j'ai reçu l'ordination de moine et je n'en parle plus, c'est à mes yeux quelque chose d'intime, qui n'a pas lieu d'être affiché car ça suscite trop d'idéalisations fausses). Tout comme la notion de maître, dévoyée et sujette à trop de projections qui aboutissent à des abus.<br /> <br /> Bref 2500 ans, c'est temps de faire le point et le ménage. Après tout, le Christ comme le Bouddha, se sont permis ce genre de remise en cause du système en place. Et je ne suis pas certain que le fixer était leur intention de base.<br /> <br /> Mais cet avis ne regarde que moi.
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S
Pour pratiquer le Theravada ( tradition des moines de la forêt - Thaïe ) et le Vajrayana depuis de nombreuses années , l'engagement monastique est lié à plus de 200 préceptes dans les 2 cas ( il y a en plus dans le Vajrayana que dans le Theravada ). Le renoncement à la vie de famille , à la sexualité et au travail rémunéré en font partie. Il n'y a pas de construction mentale. Dans le Theravada la robe du moine est faite de pièces de tissus rapiécées et surtout imbibée d'essences naturelles pour chasser les moustiques et autres bestioles des forêts. La robe est une reconnaissance du renoncement et permettant les offrandes de nourriture par les villageois . Le statut des moines et nonnes a été crée par le Bouddha lui même ...600 ans avant Jésus Christ . Dès lors je ne vois pas où l'influence judéo chrétienne intervient .Ne serait-ce pas plutôt les Chan et Zen qui refusent le renoncement à la sexualité ? ...Au rapport à l'argent? ... en y accolant une construction mentale ? <br /> <br /> Une dernière question . Pourquoi les occidentaux tiennent-ils tellement à ce que la pratique leur soit adaptée ? Le message est universel ,mais rien à faire il faut que les occidentaux enlèvent tout ce qui les gênent. Peu importe s'ils n'ont pas 2500 ans de compréhension liée à la pratique et à l'étude derrière eux. Les occidentaux savent ! Eux...
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D
Bonjour,<br /> <br /> votre réflexion m'intéresse beaucoup. Je suis liée au bouddhisme "tibétain", et les aspects culturels liés à la transmission de cette tradition entraîne des questionnements très semblables aux vôtres. J'avais justement envie ces derniers temps de voir de plus près les centres Zen ... cela m'encourage à explorer car il me semble que découvrir comment un autre pays (le Japon, donc) a trouvé des "solutions" pour intégrer le bouddhisme dans sa société peut me permettre d'approfondir ma recherche, et qui sait, faire un pas vers un mode de vie qui serait plus encore avec ma culture ... Merci ! (j'ai vécu des années dans des centres et reçu les voeux "d'aspirante moniale")
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R
l'habit ne fait pas le moine<br /> <br /> <br /> <br /> la vision des moines zen occidentaux en habits orientaux me laisse encore perplexe ; à trop vouloir tout abandonner, on ajoute ce qui ressemble à un déguisement, un nouvel attachement (oui je ne parle que de moi, de ma vision des choses, de ce que je ressens ; mais peut-être ne suis-je pas seul - et alors ? en quoi le nombre est-il important ? peut-être accrédite-t-il quelque choses ? - à ressentir ça comme un petit détournement qui ne se dit pas, une petite imitation sans incidence, mais ce manque de "vrai" devant tout ce qui ressemble (à mes yeux encore une fois et peut-être à d'autres encore) à un nouvel apparat, bref une distraction, un code contraire au but, à la simplicité pourtant recherché * mais peut-être que l'usage des signes (le port de ce kesa, du kolomo, ces grandes et belles robes noires) est-il nécessaire pour aider à avancer dans la voie, sans pour autant s'illusionner avec de tesls accessoires<br /> <br /> <br /> <br /> l'habit fait pas le moine
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