Shukke Traduction
Introduction, notes et traduction de Yoko Orimo
Texte inédit et provisoire (version du 22/02/2013)
Donné pour les ateliers de mars 2013 au Dojo Zen de Paris
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traduction : SHUKKE_traduction_notes_Y_Orimo
INTRODUCTION
Le terme sino-japonais 出家 [shukke] (skr. pravrajita, pravrajyâ), qui fait le titre même du présent texte, veut dire littéralement « quitter » [shutsu 出] « la demeure, la maison, la famille » [ke 家]. Celui-ci est quasi synonymique du mot 沙門 [shamon] le(s) « moine(s) », transcription phonétique des termes originaux samana en pali et çramana en sanscrit. Notons encore deux autres synonymes : le mot 僧 [sô], abréviation du nom collectif 僧伽 [sanga], qui est une transcription phonétique du terme original en pali et en sanscrit sangha désignant l’un des Trois Joyaux : la communauté des moines. Le mot sino-japonais 比丘 [biku] est également une transcription phonétique des termes originaux bhikkhu en pali et bhikshu en sanscrit désignant étymologiquement le(s) « mendiant(s) ». Le féminin du même nom est 比丘尼 [bikuni] (pali, bhikkhuni ; skr, bhikshuni).
Par ailleurs, le terme shukke出家 forme un couple antonymique avec le terme zaike在家 (pali. gahattha, gihin ; skr. grhastha-âçraya). Celui-ci, habituellement traduit par le(s) « laïc(s) », veut dire littéralement « demeurer » [zai 在] dans « la maison, la famille » [ke 家]. Le mot ubasoku 優婆塞est une transcription phonétique du terme original en sanscrit upâsaka : le(s) « laïc(s) », et le féminin du même nom est ubai 優婆夷 (skr, upâsaka). Finalement, si le terme shukke est aujourd’hui encore en usage, désignant les « moines » [sô僧], la frontière entre shukke出家 –ceux qui se mettent à l’écart du monde– et zaike 在家 –ceux qui demeurent au sein du monde séculier– a été brouillée depuis des siècles dans la tradition mahâyâniste ; au Japon, dès le 13ème siècle, par Shinran (1173-1262), le fondateur de la Véritable école de la Terre Pure [Jôdo shinshû 浄土真宗]. En Europe également, le terme « moine » a été largement employé, sans réflexion sur le fond, dès le début de l’implantation du bouddhisme. Maintenant que nombre de pratiquants, soucieux de la cohérence entre le mot et la réalité, se déclarent eux-mêmes gênés d’une certaine confusion due à l’usage ambigu de ce terme « moine » en Occident, il nous semblerait urgent de clarifier ce point, bien qu’épineux.
« Quitter la demeure pour se faire moine » [Shukke 出家] est le premier texte du recueil à avoir été présenté au monastère de la Paix éternelle [Eihei-ji 永平寺][1] et le dernier du recueil dite l’« Ancienne édition » [Kyûsô旧草] en 75 textes. Ici, nous voyons l’astuce littéraire de Dôgen terminant le recueil avec le thème du départ pour affirmer la valeur absolue de l’état religieux. En effet, le texte illustre un aspect majeur du « second Dôgen » avec son penchant pour le monachisme radical. Cela dit, comme nous l’avons déjà signalé à maintes reprises dans les tomes précédents, il ne faudrait pas pour autant oublier le caractère foncièrement contradictoire de la pensée du maître japonais. Le « Déploiement du cœur de l’Eveil » [Hotsumujôshin発無上心 ][2] exposé en 1244, soit juste deux années avant la réalisation du Shukke, témoigne d’une grande ouverture à l’égard du monde séculier mettant en relief des merveilles du déploiement du cœur de l’Eveil dans la vie des laïcs : zaike 在家.
La composition du présent texte est simple ; il comporte quatre séquences commençant chacune par un extrait d’un corpus mahâyâniste, suivi du commentaire de Dôgen. Dans la séquence 1 fondée sur la Règle monastique du Zen[3] , le maître souligne le rapport intrinsèque qui doit exister entre l’acte de quitter la demeure pour se faire moine [shukke 出家] et la réception des préceptes [jukai 受戒]. La séquence 2, au début de laquelle Dôgen cite le Sûtra de l’accomplissement de la grande Sagesse[4], livre 3, gravite autour du thème de la temporalité : « En un mot, commente-t-il, l’Eveil complet et parfait sans supérieur se réalise en plénitude au moment où on quitte la demeure et reçoit les préceptes. Si ce jour-là n'existait pas, l’Eveil ne se réaliserait pas en plénitude. (…) C’est ce jour-là qu’on atteste la pratique telle qu’elle est effectuée depuis des éons incommensurables. C’est ce jour-là que l’on tourne la merveilleuse roue de la Loi au milieu de l’océan des éons incommensurables (…) » La séquence 3 commence par un épisode singulier tiré du Traité de la grande vertu de la Sagesse[5], livre 13 : « Lorsque l’Eveillé se trouvait à Jetavana, survint un brahmane ivre qui venait à l’Eveillé, désirant devenir un moine. L’Eveillé ordonna alors à des moines de raser sa tête et de l’habiller de robe de l’Eveillé. Quand se dissipa son ivresse, (le brahmane) fut surpris et dérouté de se voir tout à coup transformé en figure de moine. Aussitôt, il partit en courant. » Devant les disciples reprochant à l’Eveillé sa trop grande générosité, ce dernier affirme que même un ivrogne qui a voulu par fantaisie devenir moine peut avoir plus tard l’occasion de déployer le vrai cœur de l’Eveil. Enfin, dans la séquence 4 au début de laquelle figure un extrait du Sûtra du Lotus, chapitre XVI : « la longévité de l’ainsi-Venu » [Nyorai juryô hon如来寿量品], l’auteur met en évidence l’unité contradictoire du temps hors temps et du temps mesurable, en disant : « l’état d’Eveillé tel qu’il est réalisé depuis des éons incommensurables consiste à quitter la demeure pour se faire moine dès le jeune âge. » Seule l’affaire du temps hors temps, affaire d’éternité, demande à l’homme de s’engager d’urgence dans la Voie afin d’éviter qu’une seule seconde de sa vie ne passe en vain.
« Quitter la demeure pour se faire moine » fut exposé le 15 du neuvième mois de la quatrième année de l’ère Kangen (1246), année du bœuf, au monastère de la Paix éternelle [Eihei-ji 永平寺] de la province d’Etsu. Il est classé 75ème texte de l’Ancienne édition.
TEXTE
Il est écrit dans la Règle monastique du Zen[6] :
« La multitude des éveillés du passé, du présent et du future ont tous réalisé la Voie, dit-on, ayant quitté la demeure pour se faire moine. Les vingt-huit patriarches sous le ciel de l’ouest (l’Inde) ainsi que les six patriarches sur la terre des Tang (la Chine) transmirent le sceau du cœur d’Eveillé[7], tous en tant que moine[8]. En un mot, c’est en gardant la discipline [9] strictement et dans sa pureté[10] qu’ils purent donner l’exemple au triple monde*. S’il en est ainsi, ce qui prévaut dans la pratique du zen[11] et la recherche de la Voie est les préceptes et la discipline[12]. Si on ne s’écartait pas de ses fautes, ni n'évitait pas la mauvaise conduite, comment pourrait-on réaliser l’état d’Eveillé et devenir patriarche ? En ce qui concerne la règle de la réception des préceptes, il faut d’abord se munir de trois robes[13] et d’un bol à aumônes ainsi que des vêtements neufs et propres. A défaut de ceux-ci, lavez et teignez vos vieux vêtements pour qu’ils soient propres. Quand vous entrez dans la salle d’ordination, n'utilisez ni robes ni bol à aumônes d'emprunt. Recueillez-vous ; votre esprit ne doit jamais être occupé d’autre chose. Soyez à l’image de l’Eveillé dans sa forme et sa manière, munis de ses préceptes et de sa discipline. Ainsi rendez- vous capables de mettre en œuvre la félicité de la Loi au profit de l’Eveillé lui-même[14]. Cela n’est pas une mince affaire ; comment pourriez-vous vous le prendre à la légère ? Si vous utilisiez des robes et un bol à aumônes d'emprunt, même si vous montiez sur l’estrade d’ordination pour recevoir les préceptes, vous n’obtiendriez pas les préceptes. Vous seriez alors une personne privée de préceptes pour toute la vie. Ayant franchi pour rien la porte de la Vacuité[15], vous recevriez en vain les aumônes des croyants. Si le maître n’en avertissait pas les débutants qui entrent dans la Voie sans connaître encore par cœur ni règle, ni discipline, ces derniers tomberaient là. C’est pourquoi on note ici un tel avis pénible à entendre. Qu’il soit gravé dans vos cœurs ! Si vous avez déjà reçu les préceptes des Auditeurs, recevez les préceptes de l’être d’Eveil.[16] Telles sont les étapes pour entrer dans la Loi. »
Sachez-le clairement, la réalisation de la Voie chez la multitude des éveillés et la multitude des patriarches ne consiste en rien d’autre que de quitter la demeure pour se faire moine et de recevoir les préceptes. C’est seulement cela qui coule dans la veine vitale* de la multitude des éveillés et de la multitude des patriarches. Quant à ceux qui n’ont pas quitté la demeure pour se faire moine, aucun d’eux n’est devenu éveillé ni patriarche. Voir les éveillés et voir les patriarches ne sont autres que de quitter la demeure pour se faire moine et de recevoir les préceptes.
« A la suite du Vénéré du monde, Mahâkâçyapa désira quitter la demeure pour se faire moine, et fit le vœu de faire passer la multitude des êtres sur l’autre rive. L’Eveillé lui dit alors : ‘Bienvenue, le moine[17] !’ Aussitôt, ses cheveux tombèrent spontanément, et il fut vêtu d’une robe de l’Eveillé. »[18] Voilà une trace édifiante[19] selon laquelle ceux qui étudient l’Eveillé afin de libérer la multitude des êtres quittent tous la demeure pour se faire moine et reçoivent les préceptes.
*
Il est écrit dans le Sûtra de l’accomplissement de la grande Sagesse[20], livre 3 :
« L’Eveillé, le Vénéré du monde dit : ‘Il doit y avoir les êtres d’Eveil et les grands êtres d’Eveil[21] qui pensent comme suit : ‘’Un jour, j’abandonnerai mon pays et mon rang. Ce jour-là où je quitterai la demeure pour me faire moine, je réaliserai aussitôt l’Eveil correct et égale sans supérieur[22]. De même, ce jour-là, je tournerai la merveilleuse roue de la Loi[23] pour que d’innombrables êtres vivants[24], au nombre incommensurable, se détachent de la souillure et des poussières[25] de ce monde et qu’ils obtiennent l’Œil pur de la Loi[26]. De même, je leur ferai éteindre pour toujours les passions et obtenir la sagesse du cœur qui les libère[27]. De même, je leur ferai obtenir la force de ne pas reculer dans l’Eveil correct et égal sans supérieur. ‘’ Si les êtres d’Eveil et les grands êtres d’Eveil désirent réaliser cet événement[28], qu’ils étudient justement l’accomplissement de la Sagesse. »
En un mot, l’Eveil complet et parfait sans supérieur se réalise en plénitude au moment où on quitte la demeure et reçoit les préceptes. Si ce jour-là n'existait pas, l’Eveil ne se réaliserait pas en plénitude. S’il en est ainsi, c’est en triturant le jour où l’on quitte la demeure pour se faire moine qu’on réalise comme présence le jour où se réalise l’Eveil complet et parfait sans supérieur. C’est le jour où l’on quitte la demeure pour se faire moine qui fait advenir, en se triturant[29], le jour où se réalise l’Eveil complet et parfait sans supérieur. Quand cet acte de quitter la demeure pour se faire moine se retourne sur lui-même, voilà que tourne la merveilleuse roue de la Loi ! Ce n’est autre que cet acte de quitter la demeure pour se faire moine qui donne à d’innombrables êtres vivants la force de ne pas reculer dans l’Eveil correct et égal sans supérieur. Sachez-le, c’est ici que se trouve en plénitude le profit de soi au profit des autres[30]. C’est grâce à l’acte de quitter la demeure pour se faire moine et à la réception des préceptes que l’Eveil complet et parfait sans supérieur ne connaîtra ni recul ni altération. Ainsi la réalisation de l’Eveil sans supérieur réalise-t-il à son tour le jour de quitter la demeure pour se faire moine dans l’Eveil.
Sachez-le justement, ce jour où l’on quitte la demeure pour se faire moine transcende l’identique et le différent. C’est ce jour-là qu’on atteste la pratique telle qu’elle est effectuée depuis des éons incommensurables[31]. C’est ce jour-là que l’on tourne la merveilleuse roue de la Loi au milieu de l’océan des éons incommensurables. Le jour où l’on quitte la demeure pour se faire moine n’est comparable ni à la durée d’un repas, ni à une soixantaine de petites divisions d’un éon[32]. Il transcende le passé, le présent et le futur, et se dépouille de tout ce qu’on peut imaginer. Ce jour-là, où l’on quitte la demeure pour se faire moine, se transcende lui-même. Et bien que ce soit ainsi, si l’on arrive à briser les entraves[33], le jour où l’on quitte la demeure pour se faire moine n’est autre que le jour où l’on quitte la demeure pour se faire moine, et le jour où l’on réalise la Voie n’est autre que le jour où l’on réalise la Voie.
*
Il est écrit dans le Traité de la grande vertu de la Sagesse[34], livre 13 :
« Lorsque l’Eveillé se trouvait à Jetavana[35], il eut un brahmane ivre qui venait à l’Eveillé, désirant devenir un moine. L’Eveillé ordonna alors à des moines de raser sa tête et de l’habiller de robe de l’Eveillé[36]. Quand se dissipa son ivresse, (le brahmane) fut surpris et dérouté de se voir tout à coup transformé en figure de moine. Aussitôt, il partit en courant. Les moines interrogèrent l’Eveillé : ‘Pourquoi avez-vous écouté ce brahmaneivre et fait de lui un moine, alors qu’il vient de partir en courant ?’ L’Eveillé dit : ‘Ce brahmane-là n’a jamais eu le moindre cœur à quitter la demeure pour se faire moine, même à travers des éons incommensurables. Maintenant, à cause de son ivresse, il l’a eu, quoique momentanément. Grâce à cette relation circonstancielle, plus tard, il quittera la demeure pour se faire moine.’ Ainsi les relations circonstancielles sont-elles variées. Les moines[37] qui brisent leurs préceptes sont encore supérieurs aux laïcs[38] qui gardent leurs préceptes. Car les préceptes des laïcs ne sont pas faits pour la libération de soi. »
Nous savons clairement cet enseignement essentiel décrété par l’Eveillé : la transformation que réalise l’Eveillé[39] n’a pour fondement que cet acte de quitter la demeure pour se faire moine. Sans cela, la Loi de l’Eveillé ne serait pas. Du vivant de l’Ainsi-Venu, quand les personnes hors de la Voie de diverses sortes trouvèrent refuge dans la Loi de l’Eveillé en abandonnant leurs voies tordues[40], ils lui demandèrent toujours et d’abord de faire d’eux des moines.
Ou bien, le Vénéré du monde accueillit (Mahâkâçyapa) en disant : « Bienvenue, moine ! » Ou bien, il ordonna à des moines de raser la tête (du brahmane ivre) pour faire de celui-ci un moine et lui faire recevoir les préceptes. L’un et l’autre furent aussitôt parfaitement munis[41] de la règle[42]. Sachez-le, lorsque, corps et cœur, on se laisse édifier par l’Eveillé, les cheveux tombent spontanément, et le corps est recouvert d’une robe d’Eveillé. Tant que les éveillés n’agréent pas la demande, il n’y a ni tonsure, ni robe d’Eveillé recouvrant le corps, ni réception des préceptes de l’Eveillé. S’il en est ainsi, quitter la demeure pour se faire moine et recevoir les préceptes ne sont autres que l'annonce de la réalisation conférée intimement[43] par la multitude des éveillés et l’Ainsi-Venu.
*
« L’Eveillé-Shâkyamuni dit : ‘Fils de bien, l’Ainsi-Venu, voyant la multitude des êtres de peu de vertu, souillés des impuretés accumulées et satisfaits des enseignements mineurs[44], leur prêcha : ‘’Dès mon jeune âge, j’ai quitté la demeure pour me faire moine et obtenu l’Eveil complet et parfait sans supérieur.’’ Et pourtant, c’est depuis des éons incommensurables qu’en fait, j’ai réalisé l’état d’Eveillé. Si je prêche ainsi, c’est que, grâce à cet expédient salvifique[45], je peux enseigner, convertir et faire entrer les êtres dans la Voie de l’Eveillé. »[46]
S’il en est ainsi, l’état d’Eveillé tel qu’il est réalisée depuis des éons incommensurables consiste à quitter la demeure pour se faire moine dès le jeune âge. L’obtention de l’Eveil complet et parfait sans supérieur consiste à quitter la demeure pour se faire moine dès le jeune âge. Quand on relève et triture[47] cet acte, cela revient à dire que les êtres de peu de vertu, souillés des impuretés accumulées et satisfaits des enseignements mineurs et moi-même, ensemble, quittons la demeure pour nous faire moines dès notre jeune âge.[48] Là où l'on voit, entend et étudie la prédication : « Dès mon jeune âge, j’ai quitté la demeure pour me faire moine », on voit l’Eveil complet et parfait sans supérieur de l’Eveillé. Quand on fait passer sur l’autre rive les êtres satisfaits des enseignements mineurs, (l’Eveillé-Shâkyamini dit) : « C’est pour ces gens-là que je prêche : ‘ Dès mon jeune âge, j’ai quitté la demeure pour me faire moine et obtenu l’Eveil complet et parfait sans supérieur.’ » Et bien que ce soit ainsi, finalement, si quelqu'un vous interroge : « Quelle est donc la vertu acquise* de quitter la demeure pour se faire moine ? » Dites-lui alors : « Celle qui atteint le summum de soi. »
« Quitter la demeure pour se faire moine » [Shukke]
Texte n°75 de La vraie Loi, Trésor de l’Œil [Shôbôgenzô]
Exposé le 15 du neuvième mois de la quatrième année de l’ère Kangen (1246), l’année du bœuf, au temple de la Paix éternelle [Eihei-ji] de la province d’Etsu.
[1] Dans la province d’Echizen, Dôgen fonda au septième mois de la deuxième année de l’ère Kangen (1244) son nouveau monastère. Celui-ci fut d’abord nommé le « temple de la Grande Eveillé » [Daibutsu-ji 大仏寺] puis, au sixième mois de la quatrième année de la même ère (1246), renommé le « temple de la Paix éternelle » [Eihei-ji永平寺].
[2] In le Shôbôgenzô, tome 1, p.165-181.
[3] [Zen.en shingi 禅苑清規] en 10 livres, compilé en 1103 par Sôseki sous la dynastie des Song. La séquence est tirée du livre 1, chapitre « La réception des préceptes » [Jukai 受戒].
[4] [Daihannya-haramitsu kyô 大般若波羅蜜経], T.5, n°5-7, n°220. Le passage est tiré du livre 3, chapitre « Recommandation à la première étape des études » [Shobungakukan-hon 初分学勧品].
[5] [Daichidoron 大智度論] (T.25, n°1509).
[6] [Zen.en shingi 禅苑清規] en 10 livres, compilé en 1103 par Sôseki sous la dynastie des Song. La séquence est tirée du livre 1, chapitre « La réception des préceptes » [Jukai 受戒]. La « Règle » [Shingi清規] est souvent citée comme livre de référence dans les textes du recueil Shôbôgenzô abordant le domaine rituel tels que « Toilette du visage » [Senmen 洗面], « Purification » [Senjô 洗浄], « Retraite spirituelle » [Ango 安居], « Réception des préceptes » [Jukai 受戒], etc.
[7] [Busshin.in 仏心印], synonyme de la grande « Loi » telle qu’elle est transmise, à l’instar du « sceau » [in 印], par la multitude des éveillés et la multitude des patriarches.
[8] Dans le texte original figure ici le terme sino-japonais shamon沙門, transcription phonétique des termes originaux samana en pali et çramana en sanscrit.
[9] [Bini 毘尼], transcription phonétique du terme original en pali et en sanscrit vinaya. La traduction plus courante du même terme en langue sino-japonaise est ritsu 律 –voir la note n°12.
[10] [Genjô 厳浄].
[11] C’est le terme sanzen 参禅que nous avons traduit par la « pratique du zen » ; celui-ci peut être aussi traduit par l’« étude du zen ». Dans le terme original sanzen, le mot zen 禅est précédé par le caractère san 参qui veut dire « se rendre, se réunir, (se) rencontrer, s’associer », etc. Le sanzen 参禅englobe ainsi la dimension collective et communautaire de la pratique du zen, guidée par un bon maître ; la méditation assise pratiquée en solitude ne saurait être appelée sanzen.
[12] Nous avons traduit le terme sino-japonais kairitsu 戒律, dans son sens plénier, par les « préceptes et la discipline ». Quoique considérés quasiment comme synonymes, le terme kai 戒 : les « préceptes » (skr, pali, sîla) désigne chaque article de la prescription morale, tandis que le ritsu 律 : la « discipline » (skr, pali, vinaya) est un nom collectif désignant la règle morale de la communauté des moines en tant que deuxième des « Trois Corbeilles » [sanzô三蔵, skr, tri-pitaka]*. Notons également le terme sino-japonais haradaimokusha波羅提木叉 (skr,prâtimoksha ; pali, pâtimokkha) ; celui-ci désigne l’ensemble des préceptes ou le livre des préceptes.
[13] [San.e 三衣] ; il s’agit de trois sortes de robes de l’Eveillé [kesa 袈裟] : la grande robe [dai.e大衣 ] faite de 9 à 25 pans, le dessus de robe [jô.e 上衣] fait de 7 pans et la robe moyenne [chû.e 中衣] faite de 5 pans.
[14] L’expression butsu-juyô 仏受用, que nous avons traduite, dans son sens plénier, par « mettre en œuvre la félicité de la Loi au profit de l’Eveillé lui-même », peut être aussi traduite par la proposition : « comme l’Eveillé met en œuvre la félicité de la Loi au profit de soi-même ». Celle-ci nous rappelle deux autres expressions analogues : jijuyû-zanmai 自受用三昧 : la « concentration de soi mettant en œuvre la félicité de la Loi au profit de soi-même » et tajuyû-zanmai 他受用三昧 : la « concentration de soi mettant en œuvre la félicité de la Loi au profit de l’autre ». Cf. « Entretiens sur la pratique de la Voie » [Bendôwa弁道話] in le Shôbôgenzô, tome 6, p.193.
[15] Le terme kûmon 空門, que nous avons littéralement traduit par la « porte de la Vacuité », désigne l’enseignement bouddhique ou la Voie bouddhique.
[16] Selon le Shibun-ritsu 四分律 (T.22, n°1428), détaillant la « Discipline » monastique de la tradition hina-yâna, les « préceptes des Auditeurs » [shômon-kai声聞戒] / les « préceptes du Petit Véhicule » [shôjô-kai小乗戒] sont au nombre de 250 pour les moines, et 348 pour les nonnes. Ceux-ci sont autrement appelés les « préceptes complets » [gusokukai 具足戒]. Les « préceptes de l’être d’Eveil (skr, bodhisattva) » [bosatsu-kai菩薩戒] de la tradition mahâ-yâna –tels qu’ils sont décrits dans le Sûtra du filet de brahman [Bonmô kyô 梵網経] (T.24, n°1484)- sont composés de 10 articles majeurs [jûjû 十重] et de 48 articles mineurs [shijûhachi kei-kai 四十八軽戒]. Comme cela est mentionné dans cet extrait cité, les moines et les nonnes chinois devaient d’abord recevoir le shômonkai, puis le bosatsukai, alors que l’école Tendai japonaise au mont Hiei, dès l’époque de son fondateur Saichô (767-822), abolit les préceptes de la tradition hina-yâna, considérant le bosatukai comme « préceptes parfaits et complets » [endonkai 円頓戒]. Les écoles japonaises du zen Sôtô et Rinzai se conformèrent à cette ligne.
[17] [Zenrai biku善来比丘].
[18] Recueil de la transmission de la lampe de l’ère Keitoku, livre 1, chapitre « Mahâkâçyapa ».
[19] C’est le mot shôchoku 勝躅que nous avons littéralement traduit par une « trace [choku 躅] édifiante [shô 勝] » ; il peut être traduit au sens figuré par un « excellent exemple ».
[20] [Daihannya-haramitsu kyô 大般若波羅蜜経], T.5, n°5-7, n°220. Le passage est tiré du livre 3, chapitre « Recommandation à la première étape des études » [Shobungakukan-hon 初分学勧品].
[21] [Makasatsu 摩訶薩] (skr, mahâ-sattva).
[22] [Mujô-shôtô-bodai 無上正等菩提] (skr,anuttara-bodhi).
[23] [Ten myôhôrin転妙法輪]. Cf. Glossaire « Rotation de la roue de la Loi » [tenbôrin 転法輪].
[24] [Ujô 有情] (skr,sattva), synonyme du terme shujô 衆生. Cf. Glossaire « Êtres [shujô/ujô衆生 有情].
[25] Le caractère jin塵, que nous avons littéralement traduit par la « poussière », désigne au sens figuré les « passions, la souillure, les objets matériels », etc.
[26] [Jô-hôgen 浄法眼] (skr,dharma-cakshus).
[27] [Shin.e- gedatsu心慧解脱].
[28] C’est le caractère ji 事que nous avons traduit par l’« événement » ; il peut être aussi traduit par le « fait » ou par le pronom démonstratif : « cela ».
[29] [Nenshutsu 拈出].
[30] Mention importante : dans l’acte de quitter la demeure pour se faire moine [shukke 出家], le profit de soi [jiri 自利] trouve sa plénitude « au profit des autres » [ rita利他], si bien que, dès le premier pas, celui qui s’engage dans la Voie en tant que moine ou nonne, dépasse le dualisme de moi et de l’autre.
[31] [San-asogikô三阿僧祇劫] (skr,tri-kalpa-asamkhyeya), il s’agit d’un temps immensément long pour qu’un être d’Eveil devienne un éveillé ; ce temps peut être divisé en trois parties. Cf. Glossaire « Cinquante-deux étapes » [gojûni- i 五十二位].
[32] [Shôkô小劫] (skr,antara-kalpa).
[33] Le mot rarô 籮籠 que nous avons traduit, au sens figuré, par les « entraves » désigne littéralement les « filets » [ra籮] et la « cage » [rô籠] que l’on utilise pour prendre les oiseaux.
[34] [Daichidoron 大智度論] (T.25, n°1509). Une histoire analogue figure dans Le grand traité de quiétude et de contemplation [Makashikan (Mohe zhuigan) 摩訶止観] (T.46, n°1911), tome 2, livre 5.
[35] [Gion祇桓/祇園], le jardin boisé (skr,, vana) du prince Jeta où l’Eveillé-Shâkyamuni prêcha à maintes reprises.
[36] [Kesa 袈裟] (skr,, kashâya, kâshâya).
[37] Ici, nous avons traduit le terme shukke 出家par son acception habituelle : le(s) « moine(s) ».
[38] Ici, nous avons traduit le terme zaike在家, antonyme du terme shukke 出家, par son acception habituelle : le(s) « laïc(s) ».
[39] [Butsuke 仏化] ; le caractère ke化, que nous avons traduit par « transformation », peut être aussi traduit par « conversion, édification », etc.
[40] [Jadô邪道].
[41] [Gusoku 具足].
[42] C’est le caractère hô 法que nous avons traduit ici par la « règle ».
[43] [Shin juki 親受記] : littéralement l’« annonciation » [juki 受記] (skr, vyâkarana) qui désigne une prédiction faite par l’Eveillé selon laquelle un tel ou tel de ses disciples réalisera un jour l’Eveil complet et parfait sans supérieur. Cf. « Annonciation » [Juki受記] in le Shôbôgenzô, tome 3, p.199-222.
[44] C’est le mot shôbô 小法 que nous avons traduit par les « enseignements mineurs », sous-entendu « enseignements du petit Véhicule » opposés à ceux du grand Véhicule. Celui-ci peut être interprété dans un sens courant, non doctrinal, comme « choses [hô法] insignifiantes [shô小] ».
[45] [Hôben 方便] (skr,upâya).
[46] Sûtra du Lotus, chapitre XVI : « La longévité de l’Ainsi-Venu » [Nyorai juryô hon 如来寿量品].
[47] [Konen 挙拈].
[48] Puisqu’on quitte la demeure pour se faire moine [shukke 出家], poussé par le désir de faire passer les autres sur l’autre rive, le shukke, loin d’être un acte individuel, est un acte qui concerne la totalité des êtres, qu’ils soient saints ou profanes, qu’ils soient vertueux ou de peu de vertu –voir la note n°30.