Compte-Rendu : Zazengi_ 6/10/2012
坐禅儀 [ZAZENGI] LA MANIERE DE LA MEDITATION ASSISE
Notes de Christiane et François Marmèche complétées à l'aide d'internet et de livres de Yoko Orimo.
Fichiers contenant ce texte, en doc : Y_Orimo_DZP_2012_10_06_Zazengi
et en pdf : Y_Orimo_DZP_2012_10_06_Zazengi
Première partie : exposé de Yoko Orimo
Avant de commencer l'étude de Zazengi, trois points.
Premier point.
Ceux qui pratiquent le zen connaissent les expressions suivantes : « i shin den shin » qui signifie « la communication (ou transmission) de cœur à cœur » ; « furyû-monji » qui signifie « l'enseignement indépendant des caractères et des mots » ; « kyôge betsuden » qui signifie « latransmission spéciale en dehors des écritures ». Ce sont des notions classiques au sein de certains courants du zen, or ce n'est pas du tout la position de Dôgen. Dôgen est rarement d'accord avec les autres maîtres. Derrière les notions précédentes (i shin den shin…) il y a un certain dualisme.
En France on a le mot du petit prince de Saint-Exupéry : « L'essentiel est invisible pour les yeux » sous-entendu "les yeux de chair" ; pour Dôgen : « L'essentiel doit se réaliser comme présence, il doit être visible à l'œil » mais ici l'œil c'est l'œil de l'Éveillé. Pour certains courants du zen l'essentiel ne s'exprime pas, le langage est inutile, ce qui est important c'est dans le cœur-esprit, c'est l'invisible, mais ceci n'est pas la position de Dôgen. Pour certains moines zen le zen ce sont des gestes incompréhensibles (comme taper…), ce n'est pas non plus la position de Dôgen.
C'est l'expression qui est au centre de la pensée de Dôgen, mais le mode d'expression ne se limite pas au langage, il y a aussi la peinture (cette réflexion était partie de l'évocation d'un tableau avec un gâteau de riz qui ne nourrit pas), et aussi tous les gestes de la vie quotidienne. Dôgen emploie le terme genjô : se réaliser comme présence (on méditera la prochaine fois le Genjo kôan). En arrière-plan de sa pensée il y a le concept de non-dualisme (Yoko préfère l'expression non-dualisme plutôt que non-dualité ; en japonais c'est "non-deux" fu ni) : le visible et l'invisible ne font qu'un. L'écriture c'est du visible, c'est exprimer ; mais seul ça ne suffit pas. Ce qui compte c'est l'unité du visible et de l'invisible, Dôgen écarte toute position unilatérale. « Le trésor de l'œil (genzô) » : il faut voir avec l'œil, mais l'œil de l'Éveillé.
Deuxième point.
Dans l'école zen (sôtô surtout) il y a de l'anti-intellectualisme : on oppose la pratique à l'étude, l'étude à la pratique, et ce n'est pas nécessairement vrai dans le bouddhisme. Dans certains lieux du christianisme aussi, les simples fidèles qui ont la foi considèrent que les théologiens qui ont le savoir ne comprennent rien.
Dôgen disait une phrase qu'on traduit globalement par « tout est dans le zazen » mais il faut savoir lire. Il y a deux mots en japonais qui disent "suivre un bon maître avec le sangha" et ça désigne la pratique, et deux mots qui disent "suivre les sûtra" c'est-à-dire l'étude : les deux doivent être en tandem. La pratique sans l'étude est sans fondement, et l'étude sans la pratique n'a pas de sens. C'est toujours le non-dualisme.
Dôgen critique des positions d'autres maîtres (et on voit qu'il critique des positions de certains maîtres d'aujourd'hui), mais celles-ci viennent d'une lecture superficielle des écritures (y compris aujourd'hui la lecture du Shôbôgenzô). Dans le christianisme aussi il peut y avoir des lectures superficielles : quand Jésus dit quelque chose comme « Heureux les petits, malheureux les savants », cela ne veut pas dire que Dieu veut qu'on ne fasse pas d'étude, il faut savoir interpréter.
Troisième point.
Dôgen dit : « la voix bouddhique doit être une » dans le chapitre Butsudô (la Voie de l'Éveillé). Il n'y a qu'une voie, la grande voie des éveillés et des patriarches. Il ne doit pas exister dans la Voie de l'Éveillé d'appellation pour les écoles particulières – y compris celle du zen, et à plus forte raison pour les courants dans le zen (le sôtô, le rinzaï… ).
Il faut parfois faire table rase de tout son acquis et de toutes ses connaissances. Le Shôbôgenzô est vraiment la source de tout ce que la pratique du zen, mais il y a huit cent ans d'histoire, de politique… qui se sont écoulées depuis Dôgen.
Résumé des trois points :
- L'univers du Shôbôgenzô est exotérique (pas ésotérique), c'est-à-dire que tout doit se réaliser comme présence, et surtout l'Éveil. Rien de caché, le dharma est à découvert, il est visible. Mais pour voir ce visible il faut avoir "l'œil" qui peut voir l'invisible comme visible.
- L'unité de la pratique et de l'étude.
- L'unité de la Voie. Quand on lit le Shôbôgenzô on voit que Dôgen cite de très nombreux sûtra de toutes les écoles : il y a des sûtras des écoles bouddhistes récentes mais aussi des écoles anciennes du Theravâda ; il y a des textes du zen mais aussi des écoles ésotériques. En ce sens Dôgen est très « catholique » (c'est-à-dire universel), il vise la totalité de la voie.
Deuxième partie : étude des kanji (voir la catégorie KANJI du blog)
Troisième partie : lecture de Zazengi
Le texte japonais se lit de droite à gauche et de haut en bas. Pour se repérer on regarde le numéro de page en bas de la page. La prochaine fois il faudra avoir de quoi surligner le texte japonais. Le texte est divisé en alinéas, entre chacun il y a un petit rond (les alinéas correspondent aux paragraphes du texte donné par Yoko Orimo). Le premier alinéa ne consiste qu'en une seule phrase. Le début et la fin se correspondent.
1er alinéa. « La pratique du zen [sanzen 参禅] est la méditation assise [zazen 坐禅] » .
Cette phrase se comprend de trois façons :
- La pratique du zen est la méditation assise
- Du fait que le terme sanzen a un sens assez collectif (voir note du texte donné par Yoko Orimo) tandis que zazen un sens plus individuel, la phrase signifie : « la méditation ensemble est la méditation seul », c'est-à-dire que la dimension du sangha n'annule jamais la dimension personnelle de chacun. C'est aussi le non-dualisme (qui est « faire de deux, un », comme le recto et verso d'une feuille de papier).
- Unité de la durée et de l'instant. Unité du temporel (histoire de chaque personne) et du zazen qui est a-temporel.
2ème alinéa. « Ni… ni…» Dôgen souligne l'importance de la neutralité du lieu, éviter les extrêmes. C'est la voie du milieu.
3ème alinéa. « N’ayez pas le dessein [zu図] de faire de vous un éveillé [sabutsu 作仏], mais dépouillez-vous [datsuraku 脱落] de l’idée d’être assis ou couché [zaga坐臥]. » Neutralité de l'état d'esprit. " Dépouillez-vous…", il s'agit d'une sorte de virginité de l'état mental.
4ème alinéa. « Évitez les excès de nourriture et de boisson. Prenez garde au temps qui s’envole. Aimez la méditation assise de façon pressante comme si vous éteigniez les étincelles qui tombent sur votre tête. Goso (Hô.en) du mont des Pruniers jaunes n’avait pas d’autres occupations que la méditation assise, à laquelle il s’adonnait. » C'est le repos et c'est urgent… paradoxe. Repos et urgence ne font qu'un.
5 à 8ème alinéa. Dôgen décrit la posture. Clé de la stylistique de Dôgen : il donne le signifiant et non le signifié. Comme un écrivain français, qui, pour exprimer son amour, fait un long texte où il n'emploie à aucun moment le verbe aimer ou le mot amour. C'est ainsi que fait Dôgen. [Voir sur le blog le message suivant 01/a et 02/b où Yoko Orimo explique cela : http://www.shobogenzo.eu/archives/2012/10/28/25447580.html ]
9ème alinéa. « En restant immobile, assis sur le sol, on pense [shiryô 思量] la non-pensée [fushiryô 不思量]. Comment peut-on penser la non-pensée ? C’est dans ce qui n’est pas de l’ordre de la pensée [hishiryô 非思量]." Voilà la méthode [hô 法] et l’art [jutsu 術] de la méditation assise.» Le mot shiryôest péjoratif, analytique ; il s'agit de la pensée comme acte de mesurer, mesurer au sens de délimiter, limiter, juger. [Voir sur le blog le message suivant 01/a et 02/b où Y Orimo explique en détail shiryô, fushiryô et hishiryô]
10ème et dernier alinéa. « La méditation assise [zazen 坐禅] n’est pas l’exercice du dhyâna [shuzen習禅] ». Le moyen est intégré dans la fin. La pratique n'est pas une échelle qu'on laisserait tomber après l'avoir utilisée (voir aussi l'image du radeau qu'on laisse après avoir traversé). On s'assoit, l'Éveil est là mais il y a quand même la progression. L'a-temporel ne nie jamais l'historique, le temporel. La posture de débutant est dans la posture de l'Éveillé. (Remarque de traduction : traduire shuzen par dhyâna peut prêter à confusion. Shu c'est apprendre, l'image du kanji 坐 shu qui est du groupe 3 ce sont des ailes qui battent pour apprendre à voler, shuzen c'est faire l'exercice).
« Zazen c’est la porte de la Loi qui s’ouvre vers la grande félicité ; c’est la pratique de l’Éveil sans souillure. »